Aliou Cissé a-t-il évolué tactiquement ? Décryptage d’un (système de jeu) qui a drastiquement changé

A trois mois de la Coupe d’Afrique des Nations Cameroun 2021, le Sénégal, déjà qualifié, est entré de plain-pied dans les éliminatoires pour le mondial. Et depuis quelques matchs, le dispositif tactique ainsi que l’animation du jeu des lions semblent avoir évolué, à la faveur de remplacement de joueurs, dans un système de jeu qui prend forme.

L’échec des réformes de Mars 2021 : la genèse du déclic

Le 15 Novembre 2020 à Bissau. Il y a pratiquement 1 an jour pour jour, les lions du Sénégal battaient les Djurtus de la Guinée Bissau au stade du 24 Septembre, sur le score d’1 but à 0 par Sadio Mané a la 82e minute. Avec 16 points au compteur, les lions assurent sans fioriture leur qualification à la Coupe d’Afrique des Nations qui doit se dérouler au Cameroun.

Occasion rêvée pour Aliou Cissé. Il lui reste deux matchs à jouer, tout en étant assurée de finir en tête du groupe. Cerise sur le gâteau, la promesse d’enregistrer les arrivées des gauchers Abdou Lahat Diallo (Paris Saint-Germain), et Fodé Ballo Touré, alors joueur de l’As Monaco (présentement au Milan Ac).

L’occasion est trop belle. Il faut tenter des choses nouvelles. Il faut révolutionner, en fonction des hommes qu’il a en main. Partant du fait que ce sont les joueurs qui font le système de jeu et pas l’inverse, Aliou Cissé est convaincu qu’« un système de jeu n’est jamais figé ».

La défense à trois est expérimentée avec Abdou Diallo, Cheikhou Kouyaté et Ousseynou Ba dans l’axe, Krépin Diatta et Ballo Touré en pistons. Résultat : un 0-0 insipide ou les lions n’ont quasiment pas eu d’occasion de but, et ne cadre aucune frappe en 90 minutes. Quelques jours plus tard, le Sénégal obtient difficilement le nul 1-1 à Thiès face à de vaillants joueurs d’Eswatini. Là aussi, Abdoulaye Seck, Cheikhou Kouyaté et Kalidou Koulibaly constituent la défense à trois. Le projet du 352 sera abandonné dans la foulée.

La naissance de nouvelles idées :

Si l’équipe du sélectionneur national Aliou Cissé a très bien joué lors de la rencontre en amicale contre la Zambie (3-1) début Juin 2021 a la faveur d’un 442, la tentative du 4231 a été véritablement mis sur le fonds baptismaux trois jours plus tard le 8 Juin 2021, contre les Requins du Cap Vert.

Abdou Diallo et Kalidou Koulibaly sont installés en défense centrale, tandis que Lamine Gassama et Saliou Ciss sont sur les couloirs. Mais la grande révolution a été l’association de Nampalys Mendy avec Idrissa Gana Gueye dans un double pivot jusque-là inexpérimenté. Et mieux, Sadio Mané est replacé en électron libre derrière l’attaquant de pointe, et Ismaila Sarr est repositionné à la gauche de l’attaque, dans un 4231 ou Crépin Diatta complète le trio derrière Boulaye Dia.

Mané en toute liberté, Ismaila Sarr à gauche : des choix de repositionnement payants

Une véritable révolution se dessine, et c’est le choix de l’audace. Les convictions selon lesquelles Sadio Mané et Ismaila Sarr doivent résolument jouer à gauche et à droite sont challengées. Aussi, Nampalys, jusque-là sentinelle en pointe basse dans un milieu à trois, se voit adjoindre Idrissa Gana Gueye dans l’entre-jeu.

Résultat : les lions ont une meilleure assise au milieu de terrain, plus de sécurité sur les côtés, et plus de possibilités et d’options dans les premières et deuxièmes relances.  Les cap-verdiens sont nettement battus 2-0 et les lions produisent un football dominant de qualité, quoi qu’ayant marqué deux buts sur coup-franc et sur penalty.

De la continuité, jusqu’à la Can ?

Un entraîneur, coach, technicien ou sélectionneur, n’a pas de certitudes ; il n’a que des convictions. Aliou Cissé en est conscient. On n’est jamais sûr de rien, mais on peut être convaincu de quelque chose : le système du 4231 offre plus de garanties et d’options offensives.

Il sera utilisé lors des trois matchs qui ont suivi le match amical contre le Cap Vert. D’abord contre le Togo le 1er Septembre à Thiès (2-0), contre le Congo à Brazzaville le 7 Septembre (1-3), puis lors de la réception des Brave Warriors de la Namibie (4-1).

Avec les forfaits de Youssouph Sabaly et Lamine Gassama pour diverses raisons, Aliou Cissé fit fi des critiques liées aux antécédents de l’arrière droit Bouna Sarr évoluant au Bayern de Munich, notamment sur ses velléités de jouer pour l’équipe de France. A tort ou a raison, le sélectionneur a un contrat de performance à remplir, au contraire des analystes et supporters, qui ont brandi l’argument de la fierté nationale.

Bousculer les convictions, dans le bon sens :

A quelque trois mois de la Can au Cameroun, le sélectionneur semble avoir tenu le bon bout de son équipe, du moins en ce qui concerne, le choix de ses hommes, sa disposition tactique mais aussi et surtout son animation (offensive) durant les différentes phases de jeu. Juste quelques changements « superficiels » et autres confirmations, avec le Jeune Bamba Dieng de l’Olympique de Marseille appelé pour la première fois, Saliou Ciss qui a fini de conquérir son couloir gauche, Ismaila Sarr a gauche, Sadio Mané en mode tout-terrain, avec un attaquant de pointe dont la hiérarchie apparente reste Boulaye Dia, puis Famara Diédhiou, puis Habib Diallo, et probablement Bamba Dieng.

Finies les convictions selon lesquelles un joueur non compétitif ou évoluant dans un championnat « mineur », ne sont plus sélectionnables. Il faut désormais continuer avec le même groupe, malgré les accusations de deux poids deux mesures qui voient, par exemple, Lamine Gassama ne plus être appelé tandis que Nampalys Mendy est toujours là, ou encore que Abdou Lahat Diallo soit resté titulaire alors qu’il joue de moins en moins au Paris Saint-Germain. Aliou Cissé tient son groupe pour la Can, à 95%.