Le début d’un véritable road trip du foot allemand pour Baba, qui écumera près de treize formations outre-Rhin. Non sans être discriminé par moments : « Moi, le racisme ne me touche pas. J’ai joué dans un club à Berlin en quatrième division (le Sv Babelsberg 03, NDLR) et j’avais des problèmes avec quelques supporters à ce niveau-là, pareil à Sankt-Pauli. Mais sur 100 personnes, si tu en as 5 qui font ça et que les 95 autres sont normaux, tant pis. Tu ne peux pas changer les gens, celui qui ne peut pas apprendre ou ne veut pas, il ne va jamais avancer dans sa vie. Je me suis concentré sur moi, je ne voulais pas perdre mon énergie et mon temps. » C’est au SC Preussen Münster, un club basé dans la ville du même nom au nord de Dortmund, que Babacar N’Diaye met un terme à sa carrière de joueur en 2013. Il y passe ses diplômes d’entraîneur, y devient adjoint avant d’aller faire une pige d’un an dans le même rôle au SC Teutonia. Poste qu’il occupera donc jusqu’au fameux appel de Rangnick, à qui il n’a jamais tenu rigueur de son faible temps de jeu : « Ralf ne me faisait pas toujours jouer à Hanovre, mais ce n’est pas pour autant que je lui en voulais, resitue Ndiaye. Je n’ai pas besoin que ma copine, mes amis me disent que je suis un bon joueur, que je ne mérite pas ce traitement. La question que je me posais était la suivante : qu’est-ce qu’il faut faire pour que je joue ? Je dois travailler deux fois plus. C’est ce que j’essaye d’inculquer aux jeunes qui arrivent ici. »
La sagesse du « Grand Baobab »
Ces jeunes français ou francophones, « ses chouchous » comme Baba les appelle, comprennent rapidement que « ce grand frère » ou même « ce papa » ne leur veut que du bien. Depuis six ans, il faut dire que les pépites qui parlent la langue de Molière ont défilé à Leipzig avant de s’envoler pour de grands clubs européens. Pêle-mêle : Naby Keïta et Ibrahima Konaté ont filé à Liverpool, Dayot Upamecano au Bayern, Nordi Mukiele a rallié le PSG cet été, tandis que d’autres pourraient les imiter dans un futur proche, à l’image Christopher Nkunku ou de Mohamed Simakan. Pourtant, Baba – qui est affectueusement surnommé « Le grand Baobab » par certains d’entre eux – le jure : tous ou presque ont galéré lors de leurs premiers jours à Leipzig. « Ce sont tous des jeunes extras, mais je me dois en permanence de leur dire la vérité, confie le baobab d’1,89m. Un jour, l’un d’eux ne comprenait pas pourquoi il ne commençait pas tous les matchs et s’était fâché. Il m’avait dit : “Baba, je ne suis pas venu ici pour jouer sur le banc, il faut parler avec l’entraîneur.” Je lui ai dit tout de suite : “Non mon gars, je ne vais pas parler avec l’entraîneur. Si tu veux jouer, fais en sorte qu’on ne puisse plus te mettre sur le banc.” Amadou Haïdara dit souvent : “Si le Grand Baobab dit quelque chose, je ne discute pas, je fais.” Ils savent que c’est pour eux que je dis ça. »
Quand il regarde dans le rétro, Babacar Ndiaye a des raisons d’être fier. Mais cela ne l’empêche pas de continuer à avancer. Il a récemment obtenu une licence en management « que seulement onze personnes dans le monde ont », en plus de la licence UEFA A qu’il a en sa possession. « Pendant neuf mois, j’ai suivi le cursus en Allemagne. Comme ça, les gens seront convaincus que je sais de quoi je parle, explique-t-il. J’ai tout fait en allemand. Je suis venu dans un pays, je n’avais rien. Aujourd’hui, j’y vis depuis plus de 20 ans et j’ai des diplômes. » La réception de Manchester City, ce mercredi en 8es de finale aller de la Ligue des champions, ne lui fait pas peur : « On a joué deux fois contre City il y a deux ans, on les avait notamment battus au retour. Avant de venir chez nous, le Real Madrid n’avait pas perdu de la saison (15 matchs sans défaite, NDLR) et on les a défaits ici. Ça va être un gros duel, mais c’est avant tout un plaisir de jouer ce genre de matchs. » Les Citizens sont prévenus : si eux ont un cyborg dans leurs rangs, Leipzig a de son côté un homme qui ne lâchera jamais rien. Et surtout pas ses chouchous.