De l’ombre à la lumière, Sadio au sommet de la pyramide africaine

Entre la ligne de jonction Sénégal, Gambie, Guinée Bissau, Guinée Conakry se trouve l’une des régions la plus belle de la cote ouest-africaine. La Casamance est cette partie du Sénégal qui a donné au pays de Louis Mbarick Fall « Battling Siki » (Ndlr : ancien champion du monde boxe) de grands noms. Pas que dans le sport, mais dans tous les domaines, la région verte a su rendre fier le drapeau frappé du vert, du jaune, du rouge avec l’étoile vert au milieu du jaune.

Plus que jamais dans l’histoire, Sadio Mané, né à Bambali, à Sédhiou, a suivi les pas de Jules François Bocandé, premier sénégalais meilleur buteur d’un championnat européen (Ndlr : meilleur buteur Ligue 1 française en 1981 avec FC Metz). Élu “meilleur footballeur africain 2019”, Sadio Mané a une vie remplie d’histoires fascinantes et drôles, mais pleine d’anecdotes aussi. Foot Sénégal revient sur la vie du Lion, à travers des témoignages d’anciens coéquipiers et entraîneurs qui l’ont côtoyé entre Génération Foot, la sélection nationale, Red Bull Salzbourg, Liverpool entre autres.

“Tu sais perdre, mais tu sais aussi gagner”, lui disait Samuel Eto’o lors de la remise du trophée du Ballon d’Or, ce Mardi, en Egypte. Mais d’où vient cette force du sénégalais. “Il a une force intérieure qui vient de lui, mais aussi de son milieu et de son parcours, nous rappelait Olivier Perrin dans les colonnes de France Football (Ndlr : Décembre 2019). Chez les sénégalais, la réussite est aussi liée à la famille. Pour elle, tu dois tout faire, et ça dépasse ce qu’on peut comprendre en Europe. Ce sont des vecteurs de motivation qu’on n’a pas.”. Et comme Foot Sénégal l’a récemment rappelé, le triomphe de Sadio est le résultat d’un travail de longues années. Et ce n’est pas Pierre Bouby (Ndlr : ancien milieu de terrain FC Metz en 2012) qui dira le contraire. “Tout ce qu’on peut voir à Liverpool aujourd’hui, l’intelligence de ses déplacements, la grinta, les efforts défensifs… Il a vraiment commencé à progresser là-dessus à Salzbourg”, avait soutenu en Décembre dernier l’ancien-messin.

Mais d’où vient réellement Sadio Mané ?

Né à Bambali, Sadio Mané est un jeune qui a appris à taper le cuir dans les ruelles de son village natale, à l’image de la majorité des jeunes footballeurs sénégalais issus du sud du Sénégal. Handicapé par le manque d’infrastructures et d’équipements sportifs dont souffre sa région (Ndlr : Sédhiou), le co-meilleur buteur de la Premier League 5ndlr : 2019) était contraint d’aller tenter sa chance ailleurs. “Je suis parti à Dakar sans que mes parents ne sachent que j’étais parti. Dans ma tête, il n’y avait que le football et je voulais coûte que coûte exprimer mon talent et réaliser mon rêve. Mes parents voulaient que je réussisse dans les études et il fallait tout faire pour les convaincre”, disait-il dans une récente interview. Une façon de montrer que l’attaquant de Liverpool faisait face au refus de ses parents de le laisser abandonner les études pour le football. Mais il fallait passer par Génération Foot pour activer ce parcours de Lion en or.

Tout commence aux jeux olympiques de 2012, où le Sénégal s’était fait éliminer en quart de finale. Amenés par Karim Sega Diouf et Aliou Cissé, les Lionceaux avaient annoncé la couleur du football sénégalais depuis le match de barrage à Birmingham, où Abdoulaye Sané (Ndlr : attaquant du FC Sochaux) et compagnie avaient battu l’Oman. De là, de jeunes talents qui tarderont à se confirmer collectivement en sélection sont né. Pape Ndiaye Souaré, Ousmane Mané, Stéphane Badji, Sérigne Modou Kara Mbodji, Zargo Touré, Cheikhou Kouyaté, Mohamed Diamé, Pape Moussa Konaté, Abdoulaye Ba, Papa Modou Guèye, Kalidou Yero Coulibaly, Ibrahima Baldé, Saliou Ciss, Magaye Guèye etc. étalent tout leur classe de futurs grands.

Au moment où les clubs de Ligue 1 et de Premier cherchaient à le faire signer, Mané prend le contre-pied. Il s’exile dans un championnat moins coté que celui de la France et de l’Angleterre pour continuer son apprentissage. Au Red Bull Salzbourg (Ndlr : Autriche), il confirme saison après saison, avant que Ronald Koeman (Ndlr : actuel coach de la sélection nationale des Pays-Bas, ex-coach de Sadio Mané à Southampton) ne le chope sous les yeux de Jurgen Klopp qui regrettera plus tard pourquoi il ne l’avait pas recruter à l’époque où il coachait le BVB Dortmund. “J’avoue que c’est un regret de ne pas faire signer Sadio à Dortmund, mais je suis heureux de l’avoir fait venir à Liverpool”, rappelait le technicien allemand, lors de la signature de ce Mané chez les Reds (Ndlr : 2016).

Son arrivée à Liverpool est sans doute l’une des meilleures réussites des Reds en terme de transferts durant ces 5 dernières années. Cette saison (Ndlr : 2019-2020), l’ancien joueur de Jules Kunda de Sédhiou (Ndlr : une équipe amateur évoluant dans le “Nawétane”, championnat des quartiers pendant les vacances) est impliqué sur 26 buts en toutes compétitions confondues avec Liverpool, soit 15 réalisations et 11 passes décisives cette saison. Des statistiques qui portent son ratio à 77 buts et 28 passes décisives en 178 rencontres disputées au cours des 6 dernières saisons en Premier League.

Meilleur buteur et Meilleur passeur en activité de la sélection nationale du Sénégal, Sadio Mané est plus que jamais dans l’histoire du football sénégalais. Il est non-seulement Ballon d’Or sénégalais, mais la star de Liverpool est l’un des sénégalais qui détient le palmarès le plus riche dans le football. Six (6) fois Ballon d’Or sénégalais, le meilleur footballeur de la planète d’après le Magazine Onze Mondial, par ailleurs co-meilleur buteur de la Premier League, champion du monde des clubs, vainqueur de la Champions League, de la Super Coupe d’Europe, vice-champion de Premier League, vice-champion d’Afrique, membre de l’équipe type UEFA et de la Coupe d’Afrique des Nations 2019, est sans aucun doute le sportif africain qui a su faire douter le triomphe de Lionel Messi en 2019. « Il mérite ce Ballon d’Or (Ndl : France Football). Et d’est scandaleux de ne pas le voir le soulever », avait lancé Habib Bèye après il y a un mois.

En décembre dernier, l’ancien milieu du FC Metz (Ndlr : 2011-2012) Pierre Bouby revenait sur son ancien coéquipier fraîchement élu footballeur africain de l’année 2019. « C’était un tueur à gages », disait-il dans France Football, où le trophée du meilleur footballeur du monde auquel Mané avait fini 4^e derrière Messi, CR7 et Van Dijk, était encore en jeu. « Je retiendrais d’abord la grosse personnalité du petit. Il était très timide, très introverti, mais j’ai tout de suite senti qu’il n’avait pas de temps à perdre et qu’il n’était pas là pour faire de sentiments. Avec un ballon, c’était un tueur à gages, il avait cette facilité à éliminer les gens ! Après, c’était complètement brut à l’époque.

Parfois, il ne défendait pas parce qu’il n’y pensait pas forcément, alors qu’il pouvait être capable de faire des courses de 30 mètres pour revenir sur un joueur. Pour être honnête, je ne pensais pas qu’il atteindrait ce niveau-là. C’est bluffant. Moi, je milite pour qu’il obtienne le Ballon d’Or (Ndlr : France Football) parce qu’il a atteint un niveau hors normes. Il est dans le top 5 mondial aujourd’hui. C’est grâce à de très bons choix de clubs pour sa progression. Il a avalé chaque étape. J’en suis très content pour lui. »

Si Mané a du rater le titre international des récompenses individuels, il s’est rattrapé dans son continent. 3^e en 2016, 2^e en 2017 et 2018, le Lion est désormais assis au sommet de la pyramide égyptienne, où Mohammed Salah ne s’est pas rendu tout comme Ryad Mahrez. Si Mahrez a félicité le sénégalais en lui disant qu’il avait un empêchement et qu’il devait aussi marquer pour commencer la course au prochain Ballon d’Or, l’égyptien a quant à lui lancé que du « félicitation bro » sur Instagram. De quoi se poser des questions sur l’égoïsme de Mo Salah qui a récemment eu quelques gestes solitaires provoquant même la colère de l’ancien messin.

Mais revenons en arrière pour comprendre d’où vient Sadio Mané. De l’ombre à la lumière, le sénégalais a traversé la Casamance pour la capitale de son pays natal, le Sénégal. A Génération Foot, il gravit les échelons et convainc tout le monde. Il quitte le Sénégal pour la France, où il dépose ses valises dans la Lorraine. Pour Olivier Perrin, son ancien poulain est arrivé au FC Metz avec une formation pas assez complète. « Il n’était pas prêt du tout, c’était encore un bébé et il a grandi en quelques heures, se remémore son ancien formateur Olivier Perrin, que Mané considère comme un père, dans les colonnes de France Football (Ndlr : Décembre 2019).

Tout s’est fait très vite parce qu’on ne pensait jamais que Salzbourg allait mettre autant (4 millions d’euros, ndlr). C’est un des seuls moments de sa carrière où il n’a pas eu le temps de décider. Il a quitté Metz comme ça, mais il n’y pouvait rien, on l’a mis dans l’avion. », raconte l’ancien Manager Général de Génération Foot dans FranceFootball où son ancien coéquipier Bouby nous raconte également que le Lion est « un garçon bien élevé, très attachant, mais il ne fallait pas se mettre en travers de son chemin, parce qu’il n’avait pas le temps, résume son ancien partenaire à Metz, Pierre Bouby. On sentait qu’il n’était pas là pour rigoler. Un jour, je m’étais chauffé avec lui pendant un entraînement parce qu’il ne défendait pas. J’avais vingt-huit ans, lui dix-neuf, mais il me répondait ! Il a une force de caractère très prononcée, et c’est ce qui fait sa force aussi. Où qu’il soit, il s’affirme, il montre qu’il est là. »

Sacré, Sadio Mané talonne El Hadji Diouf (Ndlr : Ballon d’Or africain en 2001 et 2002) et augmente le ratio sénégalais à trois Ballon d’Or, dont deux pour l’ancienne gloire du Racing Club de Lens. Et pour siéger sur la pyramide des meilleurs footballeurs africains (2019), l’international sénégalais (Ndlr : 61 matchs, 34 buts et 12 passes décisives) a dû ravir la vedette au champion d’Afrique et Champion d’Angleterre, Ryad Mahrez (Ndlr : 48 matchs, 14 buts et 10 passes décisives) et à son coéquipier en club (Ndlr : Liverpool) Mohamed Salah (Ndlr : 55 matchs, 26 buts, 10 passes décisives). qui n’ont finalement pas effectué le déplacement en Egypte.