Categories: Lions en Club

« Hey Coach Cissé, tu as du pain chaud sur la planche, sache-le »

Les Lions du Sénégal, vice-champions d’Afrique, viennent de se faire battre (3-1) par ceux du Maroc, en amical, au Complexe Moulay-Abdellah de Rabat, après une rencontre pleine d’enseignements au vu du dénouement.

C’est une équipe du Sénégal en manque d’inspiration qui s’est lourdement faite coiffer par celle du Maroc pour la huitième (8e) fois de l’histoire, après quinze rencontres (Ndlr : 4 victoires du Sénégal) entre les deux nations, en toutes compétitions confondues (Ndlr : équipe nationale A uniquement).

Une énième défaite contre « un grand d’Afrique » qui révèle une nouvelle fois les fébrilités défensives et offensives des hommes d’Aliou Cissé dont les choix ont dernièrement suscité de nombreuses polémiques.

Ce soir, les coéquipiers de Sadio Mané et de Kalidou Koulibaly, absents (Ndlr : le premier est testé positif et le second est mis en quarantaine), ont tenté de pratiquer un football dominant à la surprise générale. Un système de jeu qui n’est pas une habitude tactique dans le comportement collectif des sénégalais, dans leurs clubs.

Pourquoi le « football dominant » ?

L’on se demande même ce que c’est le « football dominant » et pourquoi le pratiquer en sélection ? Ce football (dominant) est l’antithèse de celui appelé le « football dominé », le fort du Sénégal (Ndlr : aspirer l’adversaire et utiliser le jeu rapide misé sur les hommes de couloir pour surprendre l’adversaire).

Il s’agit donc de deux systèmes tactiquement différents, mais ô combien importants, que tout spectateur ou consultant ou le journaliste doit comprendre. En club, la majorité des Lions du Sénégal évoluent dans des systèmes basés sur le « football dominé ».

C’est-à-dire des joueurs qui jouent dans les formations dont le maintien est le premier mot d’ordre en début de saison, pratiquant pour la plupart des tactiques basés un peu plus sur la défensive.

Coach Cissé semble ignorer cet aspect, puisqu’il a cherché à miser cet après-midi, sur un jeu au sol, sachant que ce dernier n’est pas une habitude pour ses hommes (les titulaires surtout), d’où la lenteur dans la transmission, contre le collectif marocain.

Pour pratiquer un football dominant, il faut avoir dans son 11 de départ, plus de joueurs qui évoluent dans ce système en club pour mieux l’adopter en sélection.

A défaut, avoir plus de joueurs dont les profils répondent au système dominant. Le cas contraire (football dominé), le comportement de l’équipe ne sera autre que le résultat de ce que le public a pu constater : des Lions qui ont le ballon, mais qui ne savent pas quoi faire avec et qui attendent que les adversaires attaquent pour riposter et procéder par des contres.

Et, c’est ce football que le pays de la Teranga a longtemps pratiqué, d’où sa montée en puissance ces dernières années, grâce notamment aux individualités de ses hommes de couloir tels que Sadio Mané, Keita Baldé, Ismaila Sarr, etc. Le football a beaucoup de paramètres qui tournent autour de lui, et qui font qu’il n’est pas une science exacte.

Des fois, on peut constater que la domination du Sénégal ne dure pas. Cela peut être due au fait qu’il y ait dans le onze (11) des Lions, plus de joueurs pratiquant le football dominé. Ces derniers, habitués à récupérer et à libérer aussitôt le ballon, peinent à développer un jeu cohérent.

Pourquoi faut-il insister sur le jeu au sol ?

La conception de cette notion du « football dominant et du « football dominé » est ce qui amènent souvent des sélectionneurs à composer la colonne vertébrale de leurs équipes avec, soit, des joueurs évoluant dans le même club ou avec des joueurs issus du même système de formation où des joueurs dont les clubs pratiquent le même type de football (dominant ou dominé).

Cette réalité semble encore une fois échapper à coach Cissé qui, à un moment donné, à regrouper beaucoup de joueurs à vocation défensifs au milieu de terrain (Gana, Kouyaté, Pape Cheikh Diop, Joe Lopy).

Le jeu de possession a pour objectif de maitriser l’espace de jeu grâce aux positions des joueurs et aux supériorités numériques, créer à différents endroits de la pelouse et permettre d’influencer le jeu de l’adversaire, afin d’obtenir la maitrise globale du match.

C’est une méthode qui aide à titre individuel, le joueur à mieux comprendre le jeu et qui rend l’expression collective plus fluide, permettant à l’équipe de parler la même langue, pouvait-on apprendre de Pep Guardiola, adepte du « Tiki Taka », système de jeu adopté dans la formation des joueurs du Barça.

Un football que la colonne vertébrale du Sénégal ne peut pratiquer, puis que la majorité des joueurs qui composaient le onze de départ du soir, évolue dans un système « dominé » dans leurs clubs.

L’équipe du Sénégal est connue comme étant forte sur le jeu long avec ses hommes de couloir rapides et vifs. Une pratique volontairement abandonnée par le choix de l’ancien capitaine des Lions comme au soir de la finale de la Coupe d’Afrique avec un milieu à double pivot pas très inspiré.

Mais c’est quoi même un milieu à double pivot ? Il s’agit de ce que Cissé a mis en place ce soir : l’association de deux joueurs devant la défense (Gana Gueye – Cheikhou Kouyaté) dont chacun apportant offensivement à tour de rôle plutôt que se spécialisant dans une tâche offensive ou défensive.

Ce système à double pivot est défensif et ne peut faire offensivement avancer l’équipe. Pour pratiquer le football dominant, les clubs ou sélections ont l’habitude de mettre en place une seule sentinelle devant la défense, afin de permettre aux offensifs de venir prendre la balle.

A regarder la rencontre, on peut se rendre compte que Krepin Diatta descendait très bas, car, n’ayant pas de pourvoyeurs, il était obligé de venir chercher le ballon aux pieds des défenseurs.

Un comportement « tactiquement indiscipliné » comme aiment le dire certains consultants. Il s’agira donc pour Cissé d’aller négocier la venue de Nampalys Mendy (Leicester) ou d’appeler le jeune milieu de terrain sénégalais de Cercles de Bruges, Franck Elimane Kanouté ou Ibrahima Diallo (Southampton) qui ont un jeu qui colle un peu à ce poste (sentinelle) et à ce système.

Faut-il adopter le « gegenpressing » et le « contre-pressing » ?

Vu le comportement des joueurs sénégalais, le système qui s’adapte le plus à leur jeu est le « gegenpressing » voire le « contre-pressing ». Une tactique offensive souvent utilisée par l’entraineur de Sadio Mané en club, Jürgen Klopp.

Elle s’appuie sur une récupération de balle très haute. Mais, elle nécessite également des joueurs offensifs assez rapides, travailleurs, tactiquement disciplinés et bon passeurs. C’est un système que la sélection nationale de l’Algérie a réussi à mettre en place pour rester invaincu en Afrique depuis l’arrivée de Djamel Belmadi sur le banc.

Le contre-pressing repose sur un principe simple : au moment d’enclencher un mouvement offensif, les adversaires ne sont pas tous en position. Il s’agira donc de reprendre rapidement le ballon et de jouer dans la verticalité pour permettre aux coéquipiers de profiter du désordre temporaire pour obtenir un accès rapide au but adverse.

De la créativité en panne dans la défense des Lions

Aliou Cissé doit également opter pour le marquage de zone en défense, afin de rendre imperméable les buts sénégalais, fébriles à chaque fois que l’adversaire pratique un football misé sur le jeu long.

Cette stratégie défensive consiste à appeler chaque défenseur des Lions à disposer d’une zone à couvrir, plutôt qu’un adversaire spécifique à marquer, rendrait un peu solide le secteur défensif.

Dans ce système, le défenseur (sénégalais) ne s’occupera que du joueur pénétrant dans sa zone pour éviter les genres de buts concédés cet après-midi, notamment le deuxième (Ndlr : par Youssef En-Nesyri à la 71’).

Cela permettra de conserver également une organisation défensive, un alignement stable et de préserver la mise en place tactique de base comme l’Algérie a pu le faire lors de la dernière Coupe d’Afrique en étouffant les hommes forts adverses lors de chacune de leurs rencontres.

Une tactique bien applicable pour les balles arrêtées, en particulier lorsqu’une équipe manque de joueurs bons dans les airs. Courir vers le porteur du ballon pour réduire son espace et son temps d’action, ainsi que celui de ses coéquipiers proches est un impératif pour les milieux de terrain sénégalais.

Cissé devra initier ses hommes du milieu à récupérer la possession, soit directement par une interception, soit indirectement en forçant une mauvaise passe adverse, ou ralentir la construction. Ce qui a beaucoup manqué face au Maroc.

Abdou Lakhad Diallo, une urgence pour les Lions ?

Des latéraux créatifs, le Sénégal en a fortement besoin pour rendre plus fluide son football. Depuis la blessure de Pape Ndiaye Souaré, la plupart des défenseurs de couloir d’Aliou Cissé sont des guerriers peu inspirés sur le plan décisif. Le latéral moderne dont la sélection du Sénégal a besoin doit être capable de proposer un jeu qui progresse rapidement vers le but adverse, dans la longueur comme dans la largeur du terrain.

Ce poste ô combien important au vu de la valeur intrinsèque des hommes de couloir dont dispose la tanière a, de nos jours, évolué puisque le fait de centrer plus régulièrement, implique une position plus haute sur le terrain.

Ce qui permet d’avoir plus de vas-et-viens entre la zone défensive et celle offensive au profit de l’assise du collectif. Le football moderne est devenu plus mathématique qu’avant, d’où sa révolution qui demande à ses entraineurs à s’adapter en fonction de l’évolution des scores.

Un domaine dans lequel Aliou Cissé doit également évoluer pour devenir plus grand et faire gagner le Sénégal. D’un jeu relativement rudimentaire, basé sur des valeurs de solidarité et sur le talent individuel des joueurs, le football sénégalais doit laisser la place à la rigueur quasi scientifique d’un football extrêmement organisé et schématisé, vu que les postes évoluent d’année en année.

Et, pour y arriver, le sélectionneur doit cesser d’utiliser Youssoufe Sabaly à gauche. Le latéral bordelais reste le meilleur de la sélection, mais il ne joue pas à sa juste valeur, puisqu’il n’est pas dans sa zone de confort.

Techniquement bon, Sabaly, tactiquement discipliné, ne fait que dépanner sur le côté gauche, mais pèche beaucoup dans la lecture rapide des contres. Pourtant, le Sénégal ne manque pas de talent à gauche. Vu la situation actuelle, Cissé doit réactiver son réseau pour convaincre Abdou Diallo. Ce dernier ne cache pas son envie de jouer pour le Sénégal, mais la FSF doit jouer son rôle pour qu’il vienne.

Et, s’il vient, arrivera-t-il à régler le problème à gauche ? Eh bien, la réponse pourrait plutôt être proche du positif que du négatif. Et, malgré les nombreuses incertitudes dans le football de haut niveau, l’espérance peut être permise au vu de la valeur intrinsèque du futur néo-Lion.

Défenseur polyvalent, Lakhad offre plusieurs alternatives tactiques à un entraineur, d’où son départ prématuré du championnat de France, où il a signé son retour depuis deux saisons, à Paris Saint Germain plus précisément.

Il est gaucher et est capable d’évoluer dans une équipe compatible au système du football dominant et dominé (deux système que j’ai eu à expliquer ici il y a quelques mois). Certes, il fait face à une âpre concurrence au PSG, mais les observateurs qui le suivent depuis ses débuts peuvent bien comprendre que c’est un profil qui peut jouer comme titulaire ailleurs et qui va aussi apporter de l’équilibre dans la défense des Lions du Sénégal, souvent faible en animation offensive.

Les vice-champions d’Afrique ont une bonne défense composée de de grands noms, mais qui laissent souvent trainer quelques faiblesses sur les côtés, à gauche plus précisément. Cela peut être dû au manque de profil souvent compatible. Et, dans une défense, la compatibilité est le premier facteur de choix en vérité.

Quand il y a une défaillance tactique dans un poste, le déséquilibre s’installe. Les centraux peuvent assurer les couvertures, mais pas tout le temps et pas face aux joueurs de gros calibres. L’arrivée d’Abdou Diallo pourrait au moins apporter un peu de souffle et même libérer (mentalement) certains Lions.

Endurant, l’ex-monégasque est tactiquement discipliné et est doté d’un bon coffre physique, et est également capable d’enchainer des centres en mouvement comme nous avons pu le constater hier, en Ligue 1.

Son sens d’anticipation fait qu’il prend souvent le dessus sur ses vis-à-vis pour aussi rapidement mettre sur orbite ses coéquipiers. Et, comme beaucoup de latéraux modernes, c’est un joueur qui va pouvoir apporter offensivement, récupérer des ballons, se projeter vers l’avant et participer aux contre-attaques.

Si être un bon arrière moderne est égale à apporter offensivement son soutien, grâce à l’endurance, la technique, le sens tactique, la lecture du jeu des coéquipiers, c’est que Abdou est l’un des joueurs qui méritent le nom de latéral gauche en équipe du Sénégal.

Si l’être demande à également rester lucide pendant les assauts adverses, à s’appliquer au niveau des longs et courts centres en intervalle, diagonal ou en médian, c’est qu’Abdou Diallo est une bonne option pour Sadio Mané et ses coéquipiers. Une piste à étudier, car, de sources sures, le frangin à Ibrahima Diallo n’écarte pas l’idée de défendre son pays d’origine.

Doit-on avoir peur de l’avenir de l’équipe nationale ?

Certes, l’équipe nationale du Sénégal n’avait pas sa colonne vertébrale (Ndlr : Edouard Mendy, Kalidou Koulibaly, Mbaye Niang) disponible ce soir face au Maroc. Certes, le Sénégal est actuellement à la première place africaine, soit à la 20e sélection mondiale au classement FIFA Coca-Cola.

Certes, le Sénégal est actuellement le vice-champion d’Afrique, après avoir perdu la finale de justesse. Certes, Aliou Cissé a réalisé des statistiques très importantes depuis qu’il est sur le banc des Lions.

Certes, ne serait-ce que pour son expérience de compétition, l’équipe actuelle a des joueurs qui ont commencé à jouer ensemble bien avant les Jeux Olympiques de Londres 2012. Mais, est-ce une raison valable pour ne pas s’inquiéter sur la façon de jouer des Lions face aux grandes nations qu’ils n’arrivent presque pas à battre depuis quelques années (cas de la finale de la Coupe d’Afrique) ?

La réponse est bien évidemment négative. Déjà, par respect pour la glorieuse incertitude du sport qui reste une science inexacte. Même si les Lions disposent d’un ascendant psychologique certain sur les adversaires de leur poule en éliminatoires de Coupe d’Afrique, force est d’admettre que le renouvellement des générations sera très difficile pour Aliou Cissé, sachant que sa dernière sélection ne rassure non-seulement pas, mais suscite beaucoup de polémiques auprès des observateurs depuis un certain temps.

Certes, le Sénégal a récemment été jusqu’en finale de Coupe d’Afrique, mais il faut redoubler les efforts pour ne pas aller vers la perte de vitesse. Si cette équipe sénégalaise demeure une référence au vu de la qualité intrinsèque d’un Idrissa Gana Gueye, d’un Cheikhou Kouyaté, d’un Kalidou Koulibaly ou encore d’un Sadio Mané, elle paraît moins dominer son sujet, et a même laissé transparaître quelques possibles faiblesses lors de la CAN 2019 et même lors des premières journées des éliminatoires, où les Lions ont peiné à nous offrir aux supporters, le football tant souhaité.

Des failles répétées cet après-midi, face aux Lions de l’Atlas, d’où leur manque d’inspiration dans la deuxième partie du terrain. Le chantier est encore plus difficile qu’on ne le pense. Et, si Aliou Cissé ne fait pas attention, le choc des générations sera son premier adversaire, car, le renouvellement au niveau des postes sera une étape très difficile.

Chérif Sadio

Reporter indépendant.

Recent Posts

Mercato : Abdou Diallo sur les tablettes du Napoli

Prêté cette saison au RB Leipzig, le défenseur sénégalais Abdou Diallo pourrait quitter le PSG…

1 an ago

France : Landing Badji fait saliver trois clubs de Ligue 1

Si Edouard Mendy est devenu le meilleur gardien de l’histoire du Sénégal, cela se bouscule…

1 an ago

Demba Mbaye (Coach des U23) : «J’ai une bonne part de responsabilité… »

Demba Mbaye l'entraîneur de l'équipe U23, a analysé la défaite de son équipe, contre le…

1 an ago

Le Sénégal bat le Mozambique et se qualifie à la prochaine CAN

Le Sénégal s'est qualifié pour la prochaine Coupe d'Afrique des nations (CAN) prévue en janvier…

1 an ago

Mozambique – Sénégal en direct : le match en Live !

Le Sénégal se déplace sur la pelouse du Mozambique ce mardi. Suivez la rencontre en…

1 an ago

Mozambique vs Sénégal : Voici le 11 de départ des Lions

L'équipe nationale A du Sénégal va affronter celle de la Mozambique, dans quelques minutes. Ci-dessous…

1 an ago