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Souleymane Camara : «Le coach nous a souhaité de mauvaises vacances»

Dix ans après le titre historique décroché par le Montpellier HSC, l’attaquant Souleymane Camara (423 matchs et 62 buts en Ligue 1 Uber Eats) a partagé ses souvenirs de cette grande saison 2011/2012.

Souleymane, vous avez passé 13 saisons du côté de la Paillade (entre 2007 et 2020). Avant d’y connaître les joies du titre de champion en 2012, comment s’est fait le choix de rejoindre ce club qui évoluait alors en Ligue 2 ?
J’étais à Nice, où ça ne passait pas très bien. Car je ne jouais pas beaucoup. C’est Rolland Courbis qui me voulait. Il me voulait déjà quand j’étais à Monaco et lui à Ajaccio, mais ça ne s’était pas fait. En 2007, il est donc venu me chercher à Nice pour me parler du projet montpelliérain. J’avais besoin de temps de jeu pour me relancer. Il m’avait promis de me donner tout cela au MHSC. Et le projet de jouer la montée était un challenge à relever.

Et à votre arrivée, comment s’est passée votre intégration ?
Le premier jour, j’ai été chaleureusement accueilli par Michel Mézy (dirigeant) et Laurent Nicollin (président délégué). Nous avions déjeuné ensemble au restaurant à côté du siège du club. Là, ils m’ont expliqué où j’arrivais, que le club avait des valeurs familiales fortes. Les joueurs m’ont aussi très bien accueilli. Il y avait Bruno Carotti, Victor Hugo Montano, Nenad Dzodic ou encore Robert Malm, qui était en instance de départ.

Sur le terrain, tout se passe également bien pour vous et le club qui remonte en Ligue 1 en 2009. Vous finissez même 5e au classement deux ans avant le sacre (2010) et atteignez la finale de la Coupe de la Ligue 2011 (perdue face à l’OM). Vous ne veniez donc pas de nulle part en 2011/12.
Non. Quand on a terminé à la 5e place, on avait forcément envie de faire encore mieux la saison suivante. Même si on se disait que l’on n’avait pas l’effectif pour jouer le podium et la Coupe d’Europe (élimination au 3e tour de qualification en Ligue Europa). D’ailleurs, la saison suivante nous aurions pu finir 8e en cas de victoire contre Bordeaux lors de la dernière journée, mais nous avons finalement bouclé la saison en 14e position. C’était un peu décevant, malgré notre parcours en Coupe de la Ligue.

Qu’est-ce qu’il s’est passé à l’intersaison suivante pour que l’équipe réussisse une telle saison 2011/2012 ?
Le recrutement a été intelligent et très positif pour l’équipe. Les nouveaux ont apporté de l’expérience. Vitorino (Hilton) avait été champion avec l’OM (2010). Romain Pitau, lui aussi champion avec Lens (1998), et Geoffrey Dernis avaient beaucoup de matchs en Ligue 1. Et Henri Bédimo est venu apporter de la solidité sur le côté gauche. Il a formé un sacré duo avec John Utaka.

Et côté droit, vous formiez un autre duo de qualité avec Garry Bocaly.
Oui, nous nous entendions très bien. On partageait la même chambre lors des stages et des déplacements. Nous communiquions beaucoup tous les deux. Ça nous permettait de bien nous organiser sur le côté droit. Il me disait par exemple comment il voulait que je l’aide sur les phases défensives. S’il me disait – « Soul ! c’est bon ! » – ça voulait dire que l’on dédoublait : je prenais son ailier et m’assurais de fermer l’angle de passe et lui s’occupait du latéral qui montait.

Plus largement, qu’est-ce qui faisait la force de cette équipe de Montpellier ?
Il y avait un groupe formidable ! Notre collectif était notre force. Il y avait les anciens qui avaient l’expérience du championnat, les jeunes (Belhanda, Cabella, Stambouli Yangambiwa, Ait Fana…) qui apportaient beaucoup et ceux entre les deux, avec Joris Marveaux et moi. Il y avait vraiment une bonne ambiance entre nous. Je me souviens lorsque nous faisions des tennis ballon ou des toros, nous commandions des pizzas. Et celui qui prenait par exemple 20 passes au toro payait les pizzas la fois suivante. Cela a contribué à resserrer les liens entre nous.

Comment vous comportiez-vous au sein de ce groupe ?
Sur le terrain j’allais au combat, mais je ne faisais pas partie des joueurs qui parlaient devant les autres. Pour ça, il y avait Cyril (Jeunechamp), Laurent (Pionnier) ou encore Geoffrey (Dernis) qui avaient un rôle important dans le vestiaire. Moi, je suis timide par nature. Et j’étais entre deux générations, les jeunes et les anciens, donc ce n’était pas mon rôle. Dernis était aussi pas mal pour l’ambiance, car il a beaucoup d’humour. Même quand je le revois, je n’arrête pas de rigoler. Il a toujours des blagues ! Il était capable d’être sérieux et tout d’un coup se mettre à chambrer.

Vous disposiez pourtant d’une certaine expérience. Notamment à Monaco où vous avez fini vice-champion en 2002/03 avec Didier Deschamps.
A Monaco, j’ai eu la chance de jouer avec des grands joueurs. Comme Marco Simone, Olivier Bierhoff, Ludo Giuly, Marcelo Gallardo Shabani Nonda… Quand l’on est entouré par ces joueurs, on apprend beaucoup. Et d’abord le professionnalisme. C’est un métier sympa footballeur, mais ces joueurs te montrent que ce n’est pas qu’un jeu. Eux, ils étaient exemplaires, notamment sur les horaires. Quand l’entraînement était à 9h, ils arrivaient à 8h. Avoir eu la chance de les côtoyer m’a aidé pour la suite de ma carrière.

 

 

« On a commencé à penser au titre seulement en mars »

Du coup, avez-vous adopté cette habitude d’arriver au centre d’entraînement bien en avance ?
Pendant toute ma carrière au MHSC, je faisais partie des premiers à arriver à l’entraînement. Cela permettait de préparer la séance, de faire du gainage ou du renforcement. Et puis si l’on avait besoin de consulter le kiné, ça laissait du temps. En salle de vie, nous discutions entre joueurs autour d’un café. Ça permettait d’échanger, de prendre des nouvelles.

Et côté terrain, qu’est-ce que vous avez appris aux côtés des stars monégasques de l’époque ?
je pense surtout à Marco Simone qui était vraiment impressionnant dos au but. Dès qu’il avait le ballon, il savait exactement où se trouvait le gardien et où placer son ballon. Il me donnait des conseils pour réussir à faire comme lui. J’ai aussi appris avec Shabani (Nonda), en voyant comment il calait les défenseurs qui étaient dans son dos. J’observais beaucoup et je tentais de reproduire ce qu’ils faisaient tous les jours à l’entraînement.

Pour en revenir à la saison du titre au MHSC, comment cela se passait-il avec l’entraîneur René Girard ?
René Girard est un entraîneur avec du tempérament. Sa philosophie à Montpellier a été de produire du jeu. C’est ce que nous avons réussi à faire. Il nous demandait de ressortir de derrière et de passer sur les côtés. Lui et son staff ont tout fait pour nous rendre performants. L’équipe était d’une grande solidarité. Quand quelqu’un touchait à l’un de nous, il touchait tous les joueurs. Tout ce que l’on faisait, on le faisait ensemble. Et le staff nous laissait prendre nos responsabilités. Il nous accordait une part d’autonomie et n’était pas là pour tout maîtriser tout le temps. Ses séances d’entraînements étaient aussi très bonnes. Ça contribuait à donner de l’envie à tout le groupe. Quand on faisait des petits jeux à 5 contre 5, personne ne voulait perdre. L’entraînement était intense, personne ne voulait lâcher.

Vous souvenez-vous d’une de ses causeries en particulier ?
Oui. Le dernier match de la phase aller où nous avons joué à Evian. Le coach était tellement énervé après notre défaite (4-2) qui avait permis au PSG d’être sacré champion d’automne, qu’il nous avait souhaité de passer des mauvaises vacances (rires) !

Et cette pique lancée a visiblement porté ses fruits ensuite.
On avait en effet pris conscience après ce match qu’il y avait quelque chose à faire. A la reprise, la dynamique est repartie. Notre crainte était plus de ne pas passer les mois de janvier et février. Car nous savions que ce sont des tournants de la saison. On se méfiait du début de l’année, car il y avait aussi la CAN. Et il y avait plusieurs joueurs qui devaient y aller, dont moi (mais aussi El Kaoutari, Belhanda, Bédimo, Saihi). Donc on s’était dit que ça serait difficile de tenir, mais en fait pas du tout. L’équipe a su gagner des matchs (Montpellier a débuté l’année 2012 par 4 victoires de suite).

Quand avez-vous réellement eu en tête que le titre était à votre portée ?
Le titre ? C’est franchement à partir du mois de mars que l’on a commencé à vraiment en parler entre nous. Nous nous disions pourquoi pas aller au bout, aller chercher ce titre. L’occasion était belle. On ne se mettait pas la pression, mais plus les matchs passaient, plus on y croyait. Et on commençait un peu à trembler…

« Loulou aimait tellement ses joueurs »

Outre votre bon classement, y a-t-il eu des indices au fil de la saison qui vous ont aidé à y croire ?
Oui, comme le fait de gagner beaucoup de matchs sur le score de 1-0. Sur les matchs difficiles, nous étions très solides. Au fur et à mesure, la confiance collective s’est installée. Ça devenait difficile de nous battre. Individuellement, ça marchait fort aussi. Je me souviens d’Olivier (Giroud) qui marchait sur l’eau.

Dans cette équipe, vous formiez un quatuor offensif ultra-performant avec Olivier Giroud, Younes Belhanda et John Utaka…
Notre chance était d’être tous très différents. Ça nous rendait du coup très complémentaires. Nous avions chacun nos qualités. Notre ambition de jeu était de combiner entre nous, de mettre le copain dans les meilleures conditions. Avec Olivier par exemple, il était monstrueux de la tête. Alors à chaque fois que je débordais sur le côté, j’essayais simplement de lever le ballon et lui se débrouillait…Younes était lui très technique et John Utaka avait la vitesse et une technique aussi intéressante. Ça a bien fonctionné entre nous !

Quels ont été les matchs les plus marquants de cette fameuse saison ?
Il y a le match au Parc (2-2) qui nous a donné encore plus de confiance. Car le PSG était notre concurrent direct et nous avions fait un bon match, en nous faisant rejoindre à la toute fin. Ensuite, il y a la victoire contre Lille au bout du temps additionnel avec le but de Karim Aït Fana (1-0, J37). C’est l’un des grands moments de la saison. Et forcément, il y a aussi le match à Auxerre (1-2), celui du titre.

Justement, comment aviez-vous géré ce match décisif à la dernière journée ?
Ce n’était vraiment pas facile…avec en plus cette coupure (le match a été interrompu deux fois pour des jets de projectiles et fumigènes). Ça a été long et stressant. Mais on joue au foot pour vivre des moments comme celui-là. C’était vraiment extraordinaire !

Ensuite, il y a eu le lendemain la remise du trophée Hexagoal à Montpellier…
Cette parade a été un très grand moment ! Quand nous avons traversé la ville pour aller chercher l’Hexagoal place de la Comédie, il y avait un monde de fou ! Même chose pour aller après chez le président. Toute la ville était en fête !

Cette communion avec les supporters a été intense. On imagine qu’ils ont joué à font leur rôle de 12e homme au cours de la saison.
Les supporters nous ont poussé à y croire tout le temps. Quand je marchais dans les rues de la ville, les gens me disaient « accrochez-vous ! », « on compte sur vous ». C’était motivant. Après le titre, les gens nous interpellaient pour nous féliciter ou nous arrêtaient pour prendre des photos. On avait une nouvelle notoriété.

Enfin, parlez-nous de Loulou Nicollin, l’emblématique président du club. Comment a-t-il vécu ce grand moment à vos côtés ?
Loulou aimait tellement ses joueurs. Il était très attachant. La famille Nicollin a fait beaucoup pour moi et les miens. Je leur en suis éternellement reconnaissant. Dès mon arrivée au club, ils m’ont bien traité. Pour le titre, il restait plutôt prudent. Il disait : « c’est bien, mais allons-y doucement mais sûrement ». Comment pour nous, il y a cru au fur et à mesure.

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