Alain Giresse : «J’avais mis en place et façonné le Sénégal»

L’ancien sélectionneur du Gabon, du Mali, du Sénégal et dernièrement de la Tunisie est un grand «connaisseur» du football africain. Actuellement libre de tout contrat, Alain Giresse revient sur ses expériences à la tête de ces différentes sélections tout en évoquant le tirage au sort des éliminatoires de la Coupe du monde 2022.

Entretien.

Vous êtes devenu un globe-trotter en Afrique pour avoir entraîné des sélections comme le Gabon, le Mali, le Sénégal et la Tunisie. Pouvez-vous revenir sur ces différentes expériences ?

D’abord, c’était la découverte de l’Afrique avec le Gabon. J’ai tout découvert dans ce pays. Une fois là-bas, il fallait tout organiser. Il y avait des problèmes d’organisation pour l’équipe nationale, des problèmes pour les matchs amicaux, pour rassembler les joueurs et même au niveau des équipements. Je me suis attelé à créer une dynamique avec les joueurs, qui ont adhéré à mon projet et m’ont suivi. Cela nous avait permis de revenir en Coupe d’Afrique. J’aurais voulu poursuivre cette mission avec le Gabon, où je suis resté pendant 4 ans de suite. Ce n’était pas rien et, après, ils n’ont pas voulu que je continue.

Par la suite, je me suis orienté vers le Mali, qui sortait de la CAN 2010 avec des difficultés et qui avait de grands joueurs. Là aussi, il fallait que je me remette au travail dans un autre contexte, avec d’autres joueurs.On a fini 3^ème en 2012.

Après, je suis venu au Sénégal, qui est très particulier. J’avais ma famille, qui a vécu et travaillé au Sénégal. Il y a beaucoup d’hospitalité, c’est un beau pays, très chaleureux et très touristique aussi… L’équipe nationale sortait de la CAN 2012 avec beaucoup de problèmes. Je suis parti pour construire une nouvelle équipe avec beaucoup de jeunes joueurs dont Sadio Mané. Progressivement, on commençait à bâtir l’équipe. On a failli aller en Coupe du monde, cela s’est joué à deux doigts. Je suis très content de mon passage au Sénégal.

Après, vous le savez, je suis reparti au Mali, avec une équipe qui était aussi très jeune et complètement rebâtie après la génération que j’avais connue. Il y avait beaucoup d’empressement, il fallait laisser beaucoup de temps à cette jeune équipe.

Puis, c’est la Tunisie où j’avais l’objectif de faire la demi-finale, c’est ce que j’ai réalisé.Lors de cette demi-finale contre le Sénégal, c’était particulier de revoir des joueurs que j’avais connus. Aliou Cissé a été sympathique de reconnaître que c’était une équipe que j’avais mise en place et façonnée. Je me suis séparé de la sélection tunisienne d’un commun accord avec la Fédération.

À la dernière CAN en Égypte, Adama Traoré «Noss» vous avait remis son maillot. Un geste anodin qui a fait couler beaucoup d’encre dans la presse tunisienne. Que s’est-il réellement passé ?

C’est extraordinaire. Comment, d’une photo, on peut dire que j’ai empêché Khazri de prendre le maillot. Pis, dans certains médias, on a parlé de racisme. Vous vous rendez compte ! Des joueurs que j’avais entraînés, que j’avais appréciés, avec lesquels je suis toujours en contact. Regardez bien la photo, quand Khazri est arrivé, Adama était torse nu, il m’avait déjà remis le maillot. Ce n’était pas un refus, quand il est arrivé, je lui ai dit «désolé, il vient de me le donner».

C’était la même chose après le match Sénégal / Tunisie, Sadio Mané est venu me remettre son maillot. Et mieux, juste avant le match, après l’hymne des deux pays, il est venu me saluer personnellement devant le banc de touche. Ce sont des relations de respect avec l’entraîneur que je suis. Sadio m’apprécie, et je garde toujours de bonnes relations avec lui.

Comment analysez-vous le tirage au sort des éliminatoires de la Coupe du monde ?

J’ai bien suivi et, normalement, dans les 10 groupes, les grosses équipes devraient se qualifier. Il n’y a pas de grands chocs, il y a le Gabon avec l’Égypte. Le Sénégal devrait s’en sortir. Les 10 premiers des 10 groupes vont se croiser après et ce sera des rencontres très difficiles avec des matchs aller-retour. Attention, il n’y a pas de petites équipes au regard de ce que réalisent la Mauritanie et le Madagascar. Normalement, les 10 premiers vont se battre âprement pour avoir les 5 places réservées à l’Afrique.

Adama Traoré de Wolverhampton voulait jouer avec le Mali dans le passé, cela n’a pas abouti. Est-ce que c’était un problème de papier administratif où c’est vous qui ne vouliez pas ?

Non, c’est toujours la complexité des joueurs binationaux, qui sont originaires du pays et qui ne sont pas nés dans le pays. Quand j’étais au Sénégal, j’avais fait la démarche pour Keita Diao Balde, Mbaye Niang, Kalidou Koulibaly, et ils ont fini par venir jouer pour la sélection. C’était pareil avec Adama Traoré, il était jeune à l’époque et ne savait pas avec quel pays continuer. Aujourd’hui, il a grandi, il joue en Angleterre et il a la réponse s’il veut jouer avec le Mali.

Pour la CAN 2021 au Cameroun, quels sont les favoris pour le carré d’as ?

J’avais dit pour la CAN 2019, qui vient de se disputer, qu’on n’aurait pas de grosses surprises. Je me suis un peu trompé car des équipes comme le Maroc, la RD Congo, l’Égypte ont été éliminés rapidement. Malgré cela, quand vous prenez les demi-finalistes, Algérie, Nigeria, Tunisie, Sénégal, cela reste quand même de grosses équipes. Ce sont des équipes mondialistes, qui ont de bons joueurs. La Tunisie était, sur le papier, l’équipe la moins prestigieuse.Quand même, il est difficile à des équipes qui n’ont pas le renom des grandes nations d’arriver au plus au niveau. Pour 2021 au Cameroun, ce sera pareil, le carré d’as sera composé de grandes équipes. Car, c’est là où il y aura les meilleurs joueurs en sélection.

Comment appréciez-vous la prestation de l’Algérie, qui a surpris tout le monde, notamment contre la Côte d’Ivoire, double championne d’Afrique ?

L’Algérie a toujours eu un gros potentiel de joueurs. Djamel Belmadi a réussi à ce que tous ses joueurs soient prêts mentalement et dans le collectif. Une grande prouesse à saluer. Et quand vous arrivez à créer un état d’esprit, des joueurs conditionnés avec des joueurs talentueux et bien, vous devenez champion d’Afrique sans surprise.

Anta Faye DIOP avec STADES