Equipe Nationale

Cavin Diagne : «J’ai été mis au placard à Le Mans à cause de la sélection U20»

«J’ai été mis au placard par le coach du Le Mans à cause de la sélection U20», nous révèle Ousseynou Cavin Diagne dans un long interview, où le Lionceau est revenu sur une « partie sombre » de ses débuts, sur son départ du Sénégal, son premier contrat pro, le rappel  à Dieu surpris de son père et sa signature en Norvège. Une Cavin détracté, ouvert et sans langue de bois qui nous a également souligné le rôle de son agent, Thierno Seydi dans la relance de sa jeune carrière.

Le football à ses zones d’ombres qui restent des parties d’enfer chez les joueurs. Peu d’entre-deux ont parfois le courage de parler du moindre épisode. « Je devais aller au Sénégal pour le match des éliminatoires au Congo et le coach me l’a privé. J’ai dû forcer pour la manche retour pendant laquelle j’avais marqué. Pour aller à la Coupe du Monde, il me dit devant le Président et le directeur sportif : si tu pars au Mondial, sache qu’on a plus besoin de toi. », a révélé Ousseynou Cavin Diagne qui ne met rien au-dessus de son pays, nous apprend-il. Et je suis parti parce que c’est mon pays qui avait besoin de moi. »

Malgré son jeune âge, Cavin a déjà connu trois pays européen, soit sa quatrième expérience après le Sénégal. L’ancien joueur de Darou Salam (National / Sénégal), de Cádiz Club de Fútbol (Liga Adelande / 2e division / Espagne) et de Bruges continue sa progression depuis le début de la saison, à Kristiansund Ballklubb (ou Kristiansund BK), en Norvège. « Je me suis bien intégré ici. La différence est que le coach de cette équipe m’aime et m’aide à progresser. Il prend de mes nouvelles tous les jours. Et c’est sa maman qui est ma professeure pour comprendre la langue et vite m’intégrer ». Une intégration à laquelle des compatriotes Sérigne Mor Mbaye et Aliou Coly jouent un grand rôle.

« Ils m’aident beaucoup depuis mon arrivée. Mor, c’est lui-même qui m’a récemment fait ma coiffure. C’est quelqu’un de bien. Et quand à Aliou, il joue vraiment son rôle d’ainé. C’est lui qui me dit ce qu’il faut éviter, quoi faire ou mettre les pieds. Je m’entends bien avec eux. », pouvait-on entendre du capitaine des U20 du Sénégal qui juge que le championnat norvégien n’est pas aussi facile comme le décrivent bon nombre d’observateurs. « Le championnat norvégien est comme celui des anglais. Ce n’est pas le même niveau, mais le jeu est très athlétique. Il faut oser aller dans les duels pour exister. Quand on essaie d’analyser les équipes, on peut en déduire que seuls le FK Molde et Rosenborg BK tentent de jouer à partir du bas. Sinon, les autres (équipes) pratiquent toujours le « kick and rush. Un jeu où la balle part toujours devant. C’est très différent de ce qui se fait en Espagne par exemple.» souligne le milieu de terrain qui aurait pu jouer en Ligue 1 sénégalais.

Je regrette de ne pas avoir joué la Ligue 1 sénégalaise, mais la balle est déjà partie. J’aurai acquis beaucoup plus d’expérience si jamais j’avais joué dans un club. En club, on avait un manque criard de compétitions. Des joueurs comme moi qui évoluaient en catégorie junior ne pouvait avoir de la compétition qu’en équipe nationale. », rajoute-t-il. On jouait en clubs, mais pas beaucoup.»

SES DÉBUTS : UN VRAI PARCOURS DE COMBATTANT …

Je suis né au Plateau, où j’ai joué dans le Navétane, avant d’aller porter les couleurs de la Renaissance puis celles d’Alpha B Foot, avant d’aller à Cadiz. Je suis arrivé à Darou Salam en 2015, période pendant laquelle on était partis en Italie pour y disputer un tournoi de football auquel prenaient part des équipes comme la Juventus Turin, l’AC Milan et d’autres grandes équipes. On était repartis en Italie pour un autre tournoi, puis en Suisse. Mais je me souviens avoir quitté le centre (Darou Salam) après deux ans.

J’aurai pu être un joueur de Lille (Ligue 1), après y avoir fait une semaine d’essai. J’étais sur le point de signer, mais l’agent qui m’avait amené là-bas et le Président de Darou Salam n’avaient pas trouvé un terrain d’entente avec les dirigeants français », apprend-on de l’ancien joueur de Cádiz Club de Fútbol, il a connu des moments assez compliqués. Nos contrats étaient mal faits à Cádiz. Thierno Seydi (Ndlr : agents de joueurs) les avaient poursuivis pour rétablir les termes du contrat qui étaient flous.

Quand ils avaient compris que Thierno ne comptait pas reculer et qu’il allait les poursuivre en justice, ils avaient donc décidé de reculer tout en me privant de trois voire quatre mois de salaire. Ce qui était bizarre, c’est que Thierno Seydi qui alimentait mon compte. Il y avait des mois où je voyais de l’argent dans mon compte, mais je me disais que c’était peut-être des avantages de l’impôt que je recevais parfois même plus. Mais tout cet argent venait de la poche de Thierno. C’est lui-même qui avait payé mon billet pour mon départ vers la France. Lui, c’est comme un papa pour moi. Il ne joue pas le rôle d’agent, mais de père et c’est pourquoi j’irai partout où il me mènera. »

L’on croyait que les déboires en Espagne allaient prendre fin avec la signature du Lionceau à Le Mans Football Club. Mais Ousseynou allait devoir suivre une nouvelle épique de la part d’ombre de ses débuts dans le football européen. « Au Mans, tout se passait au début et Thierno (Seydi) était même venu me suivre avec Kemo (son associé) lors de mon premier match. J’étais sorti homme du match ce soir-là. », nous dit-il. Quelques matchs après, le coach commence à changer de comportement à mon encontre. On était à l’hôtel et il me demande d’aller voir le dentiste. Des visites que j’avais déjà épuisées, puis que j’avais les messages de ce dernier que je lui avais montré. Mais, vous savez, dans le football, il faut être prêt à esquiver les pièges de ce milieu, car, ils sont nombreux.», nous apprend Ousseynou.

Je n’avais pas de rendez-vous avec le dentiste et tout le monde savait que je devais jouer comme titulaire. Le coach attend vers 17 heures, alors que le match devait se jouer à 20 heures pour me demander d’aller chez le dentiste. Je ne comprenais rien, puis que je n’avais aucun rendez-vous, je m’étais permis de lui montrer mes échanges (messages) avec ce dernier qui me disait que j’avais fini avec lui. », poursuit-il. Même si je partais dans son cabinet qui se trouvait sur le chemin de l’hôtel où on se regroupait, je n’allais pas pouvoir jouer le match. Il m’avait donc mis sur le banc et tous mes coéquipiers étaient surpris et déçus. Le match d’après, il décide de me faire entrer dans les dernières minutes, espérant que j’allais mal le prendre. Mais, c’était une peine perdue, car, j’avais déjà atteint une certaine maturité pour ne pas tomber dans les pièges. », martèle le milieu de terrain sénégalais.

Capitaine des U20 du Sénégal, Cavin a disputé deux finales de Coupe d’Afrique de sa catégorie, toutes perdues et deux Coupes du Monde des moins de 20 ans. L’ancien joueur de Darou Salam a failli ne pas disputer la dernière, apprend-on. Une histoire presque surréaliste. Peu après mes déboires avec le coach du Le Mans, la sélection nationale m’appelle pour le match des éliminatoires de la Coupe d’Afrique face au Congo (qu’il a finalement raté). 

Le club à travers le coach, créé une blessure inexistante et me refuse le voyage au Sénégal pour rallier le Congo. Thierno Seydi (Ndlr : son agent) finit par me demander de rester. Je reste et Dabo (Ndlr : le sélectionneur des U20, Youssouph Dabo) avait aussi bien compris ma situation. », se souvient encore Cavin qui n’en était ni à sa première ni à sa dernière avec son entraineur français si « malhonnête ». On m’appelle à nouveau pour le tournoi en Arabie Saoudite et le coach (du Le Mans) me menace de ne plus jouer au club au cas où je partirai, sous prétexte que c’est Le Mans qui me payait, non pas la sélection du Sénégal. », révèle Diagne.

Je lui avais fait savoir que c’est grâce à la sélection nationale du Sénégal que je me suis fait découvrir par les clubs, dont le tien. Et que je n’allais rien mettre au-dessus de mon pays. », dit-il au coach qui l’a par la suite renvoyé dans la réserve. Là-bas, je mettais le paquet et je jouais comme si les rencontres étaient toutes des finales. ». Il m’appelle à nouveau dans le groupe de performance pour me faire jouer comme arrière droit. Il me remet sur le banc et me fait entrer à nouveau.

La rencontre d’après, je joue et je fais un bon match. Ce soir-là, j’étais parti juste après le coup de sifflet finale, voir le médecin pour me faire soigner mes doigts au moment où les gens jubilaient, car, ils étaient enflés. Le match d’après, il me reproche de ne pas avoir jubilé avec mes coéquipiers lors de la rencontre d’avant, et refuse de me convoquer. Ainsi se répétait la situation et je n’avais rien compris ».

La partie la plus hollywodienne de l’histoire de Cavin et Le Mans a été enregistrée avant la grand-messe du football mondial des moins de 20 ans. Avant le Mondial, imaginez, le coach me dit devant le Président du club et le directeur sportif (Alain Reverra) qu’après la Coupe du Monde, je n’ai plus la place à Le Mans. Soit je renonce à aller à la Coupe du Monde ou je prends la porte. Je demande au Président s’il était d’avis devant le coach. Il me dit que c’est le coach qui décidait.

Je leur dis dans la foulée que j’allais appeler Thierno Seydi, sachant qu’ils ont tous peur de lui. Car, Thierno ne rigole pas à propos du non-respect des droits de ses joueurs. Je pars et je fais une bonne Coupe du Monde U20 avec le Sénégal. Je reviens et ils me convoquent (Le coach et le Président) pour me convaincre de rester dans le club. Je leur dis non. Avec tout ce qu’ils m’avaient dit, je ne pouvais plus rester là-bas, mon honneur ne le me permettait pas. S’il fallait rentrer au Sénégal, j’allais le faire, mais pas de rester à Le Mans avec tout ce qui m’avait été dit avant la Coupe du Monde. »

KRISTIANSUND / LE CONFINEMENT…

« On tient bien et on a commencé les entrainements collectifs depuis deux semaines. On vient d’avoir une semaine de repos parce que la reprise a été intense et certains coéquipiers avaient commencé à concocter des blessures. Le coach a donc décidé de nous donner une semaine. », a dit Ousseynou qui revient sur comment il a rejoint la formation norvégienne. Ils étaient en Espagne pour leur préparation d’avant-saison. C’est là-bas que tout avait été décidé. Dieu merci, j’ai trouvé ici deux sénégalais, dont Aliou Coly et Mor.

Après leur retour en Norvège, je suis reparti en Belgique pour prendre mes bagages et regagner la Norvège. Ils m’ont tous aidé, surtout Aliou. C’est lui mon tuteur ici. Il m’aide beaucoup. Il me dit toujours quoi faire et quoi éviter, ce que les gens du club aiment et ce qu’ils détestent. », nous dit le remplaçant de l’ancien joueur de Diambars, Amido Diop alias « Mido ». Oui, on me compare et confond même très souvent avec Mido, vu notre taille, sachant que c’est après son transfert que j’ai été recruté. Il a peut-être joué un rôle dans mon arrivée, mais je n’en sais pas trop. », nous apprend-il.

LE DÉCÈS DE SON PAPA…

Le décès de mon père fait partie des obstacles qui m’ont mis dans des difficultés à Bruges. Il avait un impact sur ma progression et sur ma concentration. Entre la maladie de mon papa et son rappel à Dieu, tout est allé très vite. Il était plus qu’un père, c’est un ami, un confident. Mon retour à Bruges a été difficile parce que j’étais dans la réserve et le coach ne pouvait pas comprendre que les autres avaient repris les entrainements avant moi. Mais je l’ai pris avec beaucoup de philosophie et j’en remercie mon agent. », enchaine Ousseynou Cavin Diagne qui rappelle que la différence par rapport aux autres clubs, c’est qu’à Kristiansund, le coach a son temps. Il me corrige, il me parle, il demande de mes nouvelles, il me suggère des séances d’entrainement spécifiques. Et malgré le repos d’une semaine qu’il nous a accordé, il continue de me booster à m’entrainer en individuel et je fais toujours les séances avec le coach adjoint. Au départ, je ne comprenais pas la langue, mais je l’apprends depuis mon arrivée, et c’est sa maman elle-même qui est ma professeure », révèle le Lionceau.

SÉLECTION U20…

Une des révélations de la Coupe d’Afrique en Zambie, Cavin a confirmé tout le bien qu’on parlait de lui lors de la Coupe d’Afrique de la même catégorie (U20) en 2019. Mais les débuts du joueur de Kristiansund n’ont pas été facile. Je dirai que j’ai raté ma première rencontre en sélection U20. Je venais de subir une blessure à l’entorse et j’étais resté quatre (4) mois sans jouer. Face à Afrique du Sud, j’avais marqué un doublé. De là, j’ai repris de la confiance. Mes premières éliminatoires étaient les plus difficiles parce qu’on avait joué face à la Tunisie, puis contre le Ghana, qui étaient des équipes habituées aux compétitions de jeunes en Afrique.

On avait tout fait et on s’en était sortis après. Je retiendrai que cette première CAN U20 est la plus difficile. Je n’avais pas assez d’expérience comme la plupart de mes coéquipiers. Je jouais au Sénégal, où le championnat régional n’était pas aussi régulier. Même quand il y avait des rencontres, nous autres qui évoluaient en junior dans nos clubs, nous rencontrions des difficultés par rapport au rythme. Nos adversaires étaient souvent des footballeurs professionnels en Europe, contrairement à nous. Le dernier Mondial U20 reste quand-même plus difficile que la première.

Les adversaires n’étaient pas les mêmes et j’en ai beaucoup appris. Les matchs étaient intenses et il y avait un rythme qui me permet aujourd’hui, de supporter la pression dans mon club. Les deux finales perdues restent mes plus grands regrets. Perdre deux finales sur de petits détails est une chose très difficile à accepter, mais c’est la réalité du football. En Zambie, c’était compliqué. On était à Ndola, tandis que nos adversaires en finale (Zambie) jouaient tous leurs matchs du premier tour à Lusaka. Et quand on était partis nous entrainer dans le stade où devait se disputer la finale, la veille du match, il pleuvait. On n’avait pas pu faire la connaissance de la pelouse. Ce ne sont pas des excuses, mais c’était une situation assez compliquée.

Lors de la première Coupe du Monde, j’étais suspendu avec Souleymane Aw. Krepin Diatta était blessé et Alioune Gueye avait été expulsé après une action qui reste discutable. Jouer à 10 face au Mexique était très difficile. Lors du deuxième Mondial, on avait été rejoints au score à la 85e minute, avant qu’on ne perde la finale par tirs au but. Quand on y repense, on ne voit que des regrets. Quand j’avais manqué le penalty, j’étais très déçu. Cela ne m’était jamais arrivé. J’avais marqué face à l’Egypte et une fois au Qatar, j’avais aussi marqué. C’était la première fois que je manquais un pénalty en sélection. Les regrets sont là, mais j’en ai tiré des leçons et cela m’a motivé à avancer et à comprendre que c’est le football ».

Conscient de sa valeur, Ousseynou ne compte pas se contenter de ses acuqis. Le jeune sénégalais continue de travailler ses lacunes, nous dit-il. Je ne peux pas dire exactement quels sont mes défauts, mais les gens qui me connaissent m’aident sur ce point. Je leur laisse cette tâche et ils n’hésitent pas à pointer du doigt ma vivacité. Ce n’est pas facile, vu mon centre de gravité et ma taille.

Je mesure 1,95 mètre et c’est difficile d’être aussi vivace que les gens le souhaitent. J’aurai aimé être comme Lionel Messi, mais chacun à ses qualités. J’y travaille beaucoup et je me mets toujours au travail pour que mon jeu s’améliore. Je n’aime pas trop garder la balle. Je suis passé par l’Espagne, où on joue à une ou deux touches de balle. Et c’est pourquoi j’aime le jeu à deux voire trois touches de balle. », admet le jeune footballeur sénégalais. Mon ambition est de jouer régulièrement. Les choses s’annoncent bien parce que je me sens très bien ici. Si je fais deux ou trois ans ici, je m’en sortirai insh’Allah. C’est un championnat endurant, mais il est bien taillé pour moi. Je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais je ne compte pas quitter le Norvège de sitôt parce que je suis là pour progresser. », conlu-t-il.

Chérif Sadio

Reporter indépendant.

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