Equipe Nationale

«La dimension humaine de Jules Bocandé est très rare», Amara Simba (Ex-PSG)

Une légende ne meurt jamais, elle se repose, nous dit l’adage. Oublier Jules François Bocandé revient à effacer une belle page de l’histoire du football sénégalais des années 80 – 90.  Premier meilleur buteur sénégalais de l’histoire de la Ligue 1 française, Jules a vibrer les filets un peu partout où il est passé. Retour sur la dimension du Lion avec Henri Camara, Amara Simba, Laye Diallo, Jacob Samba Ba, Malickou Diakhaté et Daniel Bocandé.

A l’image des Didier Drogba, Samuel Eto’o, Lionel Messi, Kylian Mbappé, Cristiano Ronaldo des temps actuels qui font rêver des millions de jeunes à travers le monde, Bocandé a fait vibrer des cœurs, transcendant leurs motivations à suivre ses pas. La légende Jules-François Bertrand Bocandé de son vrai nom fut le seul footballeur d’origine africaine à remporter le Golden Boots en 1985 après Eusebio, footballeur d’origine mozambicaine et ancienne star du Benfica Lisbonne et de la sélection portugaise. L’on se demande même qui était ce joueur aussi adulé par les sénégalais ?

Il nous a tous fait rêver. Même en jouant dans la rues, on se disputait sur celui qui allait se faire appeler Bocandé pendant les matchs de quartiers », se remémore Camara qui n’oublie pas sa première rencontre avec l’ancien meilleur buteur du championnat de France (1986). Je me souviens des années 98 où il était venu à un de nos regroupements en équipe nationale. J’avais sauté sur lui parce que c’était un rêve de gamin pour moi et je garde encore la photo de ce souvenir que j’ai gardé.

Bocandé a joué un rôle majeur dans ma carrière. A mes débuts en sélection, je me précipitais à chaque fois que j’étais face au but. Et si je m’en suis sortis, c’est grâce à lui. Il me rectifiait et me donner beaucoup de conseils. Je le voyais plein de joie à chaque fois que je marquais. Et il était comme ça avec nous tous, surtout les attaquants. », révèle l’homme aux 99 sélections et 31 buts sous les couleurs du Sénégal. L’on se demande même qui était Jules François Bocandé.

Passé par le Casa Sports, « Essamay » comme on le surnommait, « était l’un de ces footballeurs qui n’avaient pas dans leurs dictionnaires, le mot « DÉFAITE ». Il fut l’un des seuls footballeurs professionnels qui osaient prendre un carton rouge en club pour honorer sa sélection nationale, d’où son sens du patriotisme toujours cité comme exemple, malgré qu’il n’est plus là. Sa philanthropie reste légendaire, car il partageait ses primes avec ses coéquipiers dont la majorité était composée de joueurs locaux. », a une fois révélé dans les ondes la RFM, l’ancien capitaine du Jaraaf, Amadou Diop dit « Boy Bandit ».

Pour revisiter l’histoire de la légende « Boc », il serait bon de faire un flash-back dans sa ville natale, Ziguinchor. Jules remporte le prix du meilleur jeune footballeur sénégalais à l’âge de 17 ans en compagnie d’un certain Tassirou Diallo, aujourd’hui consultant à la radio RFM Dakar. Talentueux, il fut l’un des plus grands artisans de la belle épopée du Casa Sport dans les années 70 voire 80. Alors star de l’équipe, il remporte la coupe du Sénégal (1979), face au Jarraf.

Un an après, les « Sissamays » du sud accèdent à nouveau en finale, face à la Jeanne d’Arc de Dakar. La seule finale nationale jouée en deux éditions. Une rencontre gâchée par des décisions décriées par une partie du public. Bacary Sarr (Ndlr : l’arbitre) avait fait re-tirer le joueur de la JA, son penalty déjà raté. Victime de sa rage de vaincre et de sa fouge de jeunesse, « Boc » s’en prend à l’officier du match. Ce qui lui coûte une suspension à vie du football sénégalais.

https://youtu.be/r69zXJRyu0U

Banni du football sénégalais, il s’exile en Belgique où il porte les couleurs de l’US Tournaisienne (80-82) puis celles du RFC Sérésien (82-84), avant d’aller en France (FC Metz 84-86). Avec les Grenats du FC Metz, il termine meilleur buteur de la première division française avec 23 buts au compteur (1986). Il devient peu après l’un des footballeurs les plus payés du championnat. Devenu la star en France, Jules file au PSG avec les Vahid Halilodzic, Amara Simba etc. (86-87). Il rejoint l’OGC Nice (87-91) puis le RC Lens (91-92), avant de retourner en Belgique, cette fois-ci au Endrast Alost (Belgique 92-93).

Généralement, je discute avec mes amis à son propos. On a une de ses photos qu’on se partage à chaque fois. Le premier but de la finale 79 a joué un rôle important. Quand Jules avait amorti la balle, Léopold l’avait touché à la poitrine. Il tomba et je lui disais : « mathiou, i kissa » (Frère, qu’y a-t-il ? en Créaole)».

A l’époque, on ne parlait que Mandingue, Joola, Créole. Il y avait même un attaquant du Jaraaf du nom de Seydou Ba qui nous disait que ce n’était pas Sénégal contre le Ghana, mais un match entre sénégalais, alors qu’on ne faisait que communiquer dans notre propre langage. », nous dit Demba Ramata qui revient sur cette fameuse finale, à travers Casa Sports TV, la chaîne du club sudiste.

Quand on avait marqué notre deuxième but, les gens étaient étonnés de la consolidation du S2A (Ndlr : Casamance, deuxième région du Sénégal). La suspension de Jules lors de la finale d’après, il faudra mettre les pendules à l’heure. Bocandé est venu terminer l’action d’un de nos grand-frères dont je tairai le nom. Après le penalty, j’avais dit à l’arbitre que c’était en dehors de la surface. Il était parti voir son assistant qui lui avait tourné le dos. Et il avait fini par accorder le penalty. On avait dit à notre portier, Honorio Barreto Mbaye, comment le gars tirait les penalties. Il avait réussi à repousser la balle et l’arbitre avait injustement demandé à re-tirer. En fin de match, un de nos grands a donné un coup à l’arbitre, avant que Jules ne vienne lui aussi donner un coup.

https://youtu.be/vWXFGDQB0c8

Les forces de sécurité étaient venues les séparer. Les supporters pensaient que Jules avait été arrêté alors que les forces de l’ordre ne faisaient que l’éloigner de la foule. Et moi, en tant que capitaine, j’étais parti encourager public qui nous poussait et j’avais été accusé sous prétexte que j’avais demandé à nos supporters de descendre sur la pelouse, alors que c’était faux. Jules avait pris une suspension à vie pendant que d’autres prenaient un an, deux ans ou trois ans. Mais il avait déjà des contacts avancés pour quitter le pays. Il avait une proposition pour signer à ASEC Mimosas (Cote d’Ivoire), mais il avait préféré aller à Seraing (Belgique).

Il était revenu pour envoyer le Sénégal à la Coupe d’Afrique. Et comment il avait fait ? Il avait pris un carton rouge provoquant l’arbitre pour qu’il soit avertis. Il contestait chacune des actions de l’arbitre, jusqu’à prendre un deuxième carton jaune, afin de pouvoir se rendre au Sénégal. Il débarque à Dakar et fait gagner le Sénégal avec un triplé, face au Zimbabwé. », nous raconte l’actuel Directeur Sportif du Casa Sports, par ailleurs ancien capitaine et ancien coach des verts et blancs, Demba Ramata Ndiaye.

Son histoire avec la sélection nationale du Sénégal est plus belle qu’un film. Après 18 ans d’absence (depuis Asmara 68), Bocandé renvoie le pays dont la fédération l’avait rayé de ses fiches à une nouvelle phase finale de Coupe d’Afrique (CAN Caire 86). Face au Zimbabwe, le Sénégal avait un retard de 3 buts à rattraper. Mais Boc était là pour mettre son triplé magique au moment qu’il fallait. De quoi renvoyer le pays de la Teranga à la grand-messe du football africain (Caire 86) avec la génération dorée des Roger Mendy, Racine Kane, Joseph Koto, Amadou Diop, Thierno Youm, Souleymane Sané etc.

Dès sa retraite internationale, la Fédération Sénégalaise de Football (F.S.F) lui confie en compagnie de son ancien coéquipier Locotte Sarr, les clefs de la sélection nationale. Il mène les Lions à la CAN 94 (1/4 de finale). Entre 2001 et 2005, il devient l’adjoint de Bruno Metsu (2001-2003) où il atteint avec la génération des El Hadji Diouf, Habib Bèye, Lamine Diatta, Aliou Cissé la finale de la CAN et les quarts de finales de la Coupe du Monde 2002.

Après le départ de Metsu, l’ancien joueur du PSG continue avec la tanière. Il accompagne Guy Stephan de 2004 à 2005. Il revient peu après au Casa Sports comme Directeur Sportif. Il y mène avec son ancien coéquipier Demba Ramata Ndiaye, une politique de relance du club fanion de la Casamance. Le Casa devient la formation l’une des formations la plus solide du Sénégal quelques années après. Le Sénégal, ce pays si cher à la légende qu’était Bocandé pouvait lui faire perdre des privilèges, nous révèle son fils, par ailleurs anciens joueurs du Casa Sports et du FC Metz, Daniel.

« Mon père a décliné des offres de clubs en Europe en préférant le Sénégal. Pour lui, le Sénégal passait avant moi, surtout quand j’étais en équipe nationale. Et c’est pourquoi je ne comprenais pas quand les gens me demandaient si c’est grâce à lui que j’étais en sélection. Or, je marquais à chaque fois que j’étais là. Mon père ne mettait rien au-dessus du Sénégal. », nous révèle Daniel (Dany Bocandé), fils de Jules, par ailleurs ancien joueur du Casa Sports et du FC Metz comme son papa, dont le 8e anniversaire de son rappel à Dieu est commémoré ce jeudi 8 Mai (2012-2020).

Il faut avoir un certain degré de patriotisme pour faire ce que Jules a fait. Se faire suspendre à vie par son pays et revenir le libérer pour une qualification tant cherchée depuis 18 ans. Et il y a beaucoup de choses sur Jules Bocandé qui n’ont pas été révélées. Ses sacrifices pour la sélection du Sénégal, si on doit les raconter dans un livre, ils dépasseront 10 tomes.», a poursuivi Abdoulaye Diallo, ancien défenseur du Casa Sports.

https://twitter.com/LeCasaSports/status/1258194476335595527?s=20

Le grand cœur, Jules l’avait. Et ce n’est pas Amara Simba (Ndlr : ex-international français, ancien joueur du PSG) qui nous dira le contraire. Ce dernier, lors d’une interview qu’il nous a accordée est revenu sur le pourquoi il n’avait pas porté les couleurs de la sélection du Sénégal où joué son « frère », Jules Bocandé, avec qui il a gardé de très bons rapports, dit-il.  L’ancien attaquant de l’AS Cannes n’a pas pu retenir ses larmes quand la question de revenir sur qui était « Essamay » lui a été posée.  « Je définis Jules (Ndlr : Jules François Bocandé fut l’ancien capitaine du Sénégal) comme un Lion.

Avant de venir à Paris, on voyait sa façon de jouer et toute la force qu’il dégageait sous les couleurs du FC Metz (Ndlr : club avec lequel Bocandé a été meilleur buteur du championnat de France en 1986). Une fois au PSG, j’ai découvert l’homme qu’il était. Nous nous sommes fréquentés et nous avons eu pas mal de bons moments avec lui. Humainement, c’était quelqu’un qui… (il hésite et coupe), c’est rare de voir une telle personne. Nous avions joué à l’étranger et ce sont des choses qui marquent une vie. Il y avait aussi Oumar Guèye Sène qui était avec nous comme capitaine du club. Deux personnalités à très forts caractères. Nous nous retrouvions dans la vraie identité sénégalaise à l’époque. », s’est souvenu le natif de la SICAP Rue 10, le génie de la bicyclette, Amara Simba, formé à la Jeanne d’Arc de Dakar.

Victime d’un accident Vasculaire Cérébral (AVC), Jules François Bocandé a rendu l’âme, le 07 Mai 2012, à Metz. Il repose depuis lors au cimetière mixte de Santhiaba, à Ziguinchor, la ville qui lui a tout donné, mais qu’il a défendue partout. «Je ne peux vraiment pas vous dire qui était mon papa. C’est un homme qu’on ne peut pas, mais je peux vous dire que deux choses le résument : le Sénégal et sa famille. Et dans la tête de mon père, c’est le Sénégal, avant sa famille. Jules ne badinait pas avec sa famille. Il disait souvent que c’est quelque chose de sacré. », a dit Daniel Bocandé, lors de notre Live, dans “Gazon Neutre”.

Imaginez un père qui vous dit : si le Sénégal n’existait pas, vous ne serez pas né », se souvient le fils de la légende, lui aussi ancien joueur du Casa Sports et du FC Metz. Il a toujours été là, au service de la nation. Il m’a motivé quand j’étais j’honorais ma première sélection. J’étais encore très jeune à l’époque et il m’avait dit que j’étais un bon joueur et c’est pourquoi j’avais été appelé. Que je reste posé et que je joue sans pression parce que j’avais mes qualités. Il avait toujours le discours et les bons mots pour nous booster. Si on en est là, nous les joueurs sénégalais qui sommes venus après lui, c’est parce qu’il a su tracer la route pour nous. Il restera cette légende qu’on a tous connue.», a fait savoir Pape Malickou Diakhaté qui a été rejoint dans la foulée par le directeur sportif de du SCO Angers.

Jules Bocandé, sous les couleurs de l’OGC Nice.

Il faut continuer à prier pour le repos éternel de son âme et que Dieu lui ouvre les portes du paradis. Bocandé était une référence et il avait bien représenté le Sénégal. Je l’avais croisé pour la première fois, lors de la tournée régionale des Lions après la Coupe d’Afrique des Nations 2002. Je jouais encore à la Linguère de Saint Louis (Ndlr : Ligue 1 / Sénégal) et j’avais fait un contrôle aérien qu’il l’avait validé. Et je me souviens encore de ses mots d’encouragement.», nous raconte Jacob Samba Ba. Et comme disait son ancien coéquipier et ami d’enfance, Demba Ramata Ndiaye : un lion ne meurt jamais, il se repose. »

Chérif Sadio

Reporter indépendant.

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