Dossier : entre convictions et certitudes, le pragmatisme d’Aliou Cissé

Au coup de sifflet final du match Congo / Sénégal au Stade Massamba Débat de Brazzaville le 7 Septembre, Aliou Cissé exulte, les deux poings en avant avec une joie plus ou moins démonstrative. Il le sait, les lions sont en train de tenir leur rang dans leur groupe, en enchaînant une 2e victoire en moins d’une semaine. Mais au-delà de ces résultats sportifs, se pose toujours la question de la qualité et du projet de jeu, à quelques mois de la Can 2021.

Les matchs de Mars et les enseignements tirés :

Le 26 Mars 2021, alors que le Sénégal avait déjà assuré sa qualification pour la prochaine coupe d’Afrique des Nations, à la faveur de ses 4 victoires en 4 matchs dans un groupe qu’il partageait avec la Guinée Bissau, Eswatini et le Congo, le sélectionneur Aliou Cissé a deux matchs à jouer : contre le Congo à Brazzaville, puis contre Eswatini 4 jours plus tard, le 30 Mars à Thiès.

Cerise sur le gâteau, il enregistre les venues de Fodé Ballo Touré alors joueur de l’As Monaco, et Abdou Lahat Diallo du Paris Saint-Germain. L’avantage de ces arrivées est qu’elles offrent au sélectionneur une plus grande palette de choix, et l’opportunité d’essayer d’autres schémas de jeu. Quoi de plus normal !

Mais les choses ne se passent pas comme prévues : avec Bingourou Kamara dans une défense à trois composée de Ousseynou Ba, Cheikhou Kouyaté et Abdou Diallo où Krépin Diatta et Fodé Ballo Touré sont les pistons droits et gauches, le Sénégal ne réussira jamais à faire la différence dans le match. Pire, le triangle Gana Guèye, Pape Matar Sarr et Nampalys Mendy en pointe basse, n’aura pas su dominer le bloc médian des Diables Rouges, ce qui fera que Keita Diao Baldé et Sadio Mané, préposés à l’animation offensive sans attaquant de surface, auront été muets.

Les critiques se sont accentuées sur le sélectionneur, qui pourtant avait tous les voyants au vert pour explorer d’autres dispositifs tactiques. Fidèle à ses idéaux, Aliou Cissé persiste 4 jours plus tard lors de la réception du royaume d’Eswatini, le 30 Mars au Stade Lat Dior de Thiès. Du 11 de départ contre le Congo, seuls Fodé Ballo Touré, Cheikhou Kouyaté, Nampalys Mendy et Krépin Diatta sont maintenus dans le 11. Un turn-over dans lequel le technicien maintient la même disposition tactique d’un 3-5-2.

Le résultat est le même qu’à Brazzaville mais en pire, car dans un match confus et illisible tactiquement les lions frôlent la correctionnelle. Gamedze ouvre le score dès la 4e minute après que le préposé au repli latéral, Abdallah Sima, soit lobé par une balle que l’attaquant reprend d’une volée splendide. Timothée Dieng est battu. Mbaye Diagne et Mame Baba Thiam ne cadrent aucune frappe.

Aliou Cissé essuie les critiques les plus acerbes et les plus véhémentes depuis qu’il est à la tête de la sélection. Son projet de jeu est remis en cause, ses capacités à mener l’équipe vers la victoire ainsi que son absence d’identité sont mises à rude épreuve. Il dira « Nous étions déjà qualifiés. C’était donc important de changer notre système habituel et d’essayer le 5-3-2.

Effectivement, les résultats des deux matchs ne nous ont pas satisfait, sur le plan comptable ». Le 3-5-2 expérimental sera abandonné dans la foulée.

Une équipe en amélioration :

Le sélectionneur Aliou Cissé a retenu la leçon. Il n’est pas interdit d’essayer des choses différentes. D’ailleurs, qui a dit qu’un sélectionneur ne doit pas tenter d’autres schémas tactiques alors qu’il est qualifié et premier de son groupe ?

Aliou Cissé sait qu’il tient en main l’un des groupes au plus gros potentiel qualitatif de l’histoire du football sénégalais. Sa dernière défaite remontant au 9 Octobre 2020 contre le Maroc en amical (3-1), il sait que désormais plus rien ne lui sera donné, ni pardonné.

Après deux journées des éliminatoires de la Coupe du Monde 2022 au Qatar, le Sénégal est avec la Libye le Nigeria et la Tunisie, les seules équipes à remporter les deux premiers matchs de leurs groupes respectifs.

Le Sénégal d’Aliou Cissé est en train de confectionner un groupe compétitif. Les nombreuses critiques adressées au sélectionneur Aliou Cissé cachent souvent aussi une certaine absence d’analyse holistique qui prend en compte les contextes de certains matchs ainsi que les indisponibilités de certains joueurs. « Je suis habitué aux critiques. Depuis que je suis là, on me critique et chaque personne est critiquée. Je pense que c’est normal. Les critiques ne m’empêchent pas d’aller avec ma propre philosophie. Je suis dans le milieu depuis des années et je reste sur ma propre philosophie », déclarait-il au lendemain du match nul contre Eswatini.

Bien entendu, le sélectionneur avait manqué de tact et d’ingéniosité durant les matchs de mars. Mais après les essais ratés contre Congo et Eswatini, il est revenu à ses fondamentaux. Les matchs amicaux contre la Zambie et le Cap Vert ont fait l’objet de prestations de haute.

Des victoires consolidantes s’ensuivent, contre un Togo assez bien organisé, et un Congo dont la pelouse synthétique et les ballons qui fusaient ont été les premiers adversaires des lions. Les changements opérés à Brazzaville portent sa signature, 4 des 5 buts marqués ont été l’œuvre des attaquants.

Un sélectionneur peut ne pas avoir des certitudes, car il faut faire avec les suspensions de joueurs, les blessures, le manque de compétition entre autres. Cependant avec ses certitudes, le technicien national a déjà une idée de son groupe avec lequel il compte aller chercher le trophée continental en Janvier prochain.

Quels points à améliorer avant la Can et avec quels joueurs ?

Le sélectionneur national a eu à commettre certaines erreurs tactiques par le passé, notamment en 2017 contre le Cameroun ou il ne réussit pas à déjouer le bloc ultra bas de Hugo Broos, ou lors de la dernière Can ou les équations que lui avait posées Jamel Belmadi lui sont restées jusque-là non résolues.

Plus récemment contre Eswatini et le Togo à Thiès, les positions d’Abdallah Sima et Pape Matar Sarr en tant que piston et excentré droit, n’ont pas non été de grandes inspirations de la part du technicien.

Mais à moins de 4 mois de la Can, Aliou Cissé tient l’essentiel de son groupe, à l’exception de quelques chantiers notamment un arrière droit et un milieu en sentinelle pointe basse devant la défense. Cela du fait de la blessure de Youssouf Sabaly, et de l’absence de compétition de Lamine Gassama qui est sans club actuellement. Ibrahima Mbaye et Mouttarou Balde ont-ils convaincu ? Ou le sélectionneur va-t-il essayer d’autres profils lors de la prochaine date Fifa d’octobre 2021 ?

Compte tenu du système de jeu avec lequel il va évoluer, que ce soit un 433 classique ou en 4231 ou en 442 à plat, Aliou Cissé sait aussi qu’il va falloir trouver des solutions pour une sentinelle devant la défense. So système préférentiel au vu des derniers matchs reste le 4231, même si le 433 a aussi été utilisé.

Les options disponibles sont Cheikhou Kouyaté qui enchaîne les titularisations à ce poste cette saison a Crystal Palace, Joseph Lopy et Moustapha Nam qui jouent en Ligue 2 française, Mamadou Loum Ndiaye d’Alaves en Liga, ou encore Pape Alioune Ndiaye qui évolue désormais à Aris Salonique en Grèce.