Equipe Nationale

Henri Camara : «Pourquoi je n’ai pas fini ma carrière au Jaraaf…»

Ce Dimanche 10 Mai marque jour pour jour, la date de la quarante troisième anniversaire du recordman de sélections et de buts de l’équipe du Sénégal. Henri Camara, puis que c’est de lui qu’il s’agit, a répondu à nos questions sur son parcours, son hygiène de vie et sur sa reconversion.

Le parcours d’Henri Camara mérite un film sur Netflix. De Karack (Ndlr : un des quartiers populaires de Dakar, la capitale du Sénégal) à Fortiras FC (Ndlr : son dernier club grec), l’ancien joueur du Jaraaf de Dakar a marqué les esprits. Des buts, Henri en a inscrit une centaine. De quoi faire de lui le meilleur buteur de l’histoire de la sélection nationale du Sénégal avec laquelle il compte 99 sélections. Retour sur la carrière d’un grand Camara.

LE NAVETANE…

«Je ne dirai pas que le Navétane est mauvais, mais il ne faut pas trop y durer. J’y ai passé deux saisons y compris en première division aussi (Ndlr : deux saisons au Jaraaf), avant de partir Europe. A notre époque, après deux rencontres de première division, le joueur était disqualifié le Navétane. Et beaucoup de joueurs le faisait malheureusement. Je me souviens qu’un dirigeant de mon ASC m’avait une fois demandé à stopper la compétition avec Jaraaf, après deux matchs pour pouvoir disputer le Navétane après. Ce dirigeant dont je parle, je ne l’ai plus calculé depuis lors. Sinon, le Navétane forge le respect, le caractère et la pression. Mon passage dans ce mouvement m’a aussi permis d’aller d’être costaud à mes débuts. Et je dirai que c’est grâce au Navétane que j’ai pu défier les plus grands défenseurs, les plus méchants aussi même comme Rogobert Song, Dian Bobo Baldé etc.»

SES DÉBUTS, JARAAF, SÉLECTION NATIONALE DU SÉNÉGAL…

«Mon parcours a débuté à Karack dans le Navétane, mais tout a commencé au terrain de l’école Police. Je n’étais pas dans l’école de football parce que mes amis étaient plus âgés que moi d’un an, mais je jouais souvent avec eux dans le quartier. Peu après, je suis parti au Jaraaf où j’ai joué en cadet et junior, puis en senior. J’ai par la suite été surclassé en senior au Jaraaf, après avoir été en équipe nationale U20. On avait une belle génération de juniors au Jaraaf avec Pape Bouba Diop et Ciré Dia qui était d’un an plus âgé que moi.»

«Mes débuts en première division n’étaient pas du tout faciles. Etre le plus jeune et concurrencer dans un poste, des joueurs plus expérimentés que moi n’était pas évident. Pour m’en sortir, je m’entrainais deux fois par jour et je me donnais à fond pour m’imposer. Ce que j’avais fini par faire à force de bien travailler et d’y croire aussi. », a souligné Henri Camara sui se souvient d’une rencontre qui a marqué son esprit. Le match Jeanne d’Arc – Jaraaf était très difficile. Je me souviens que j’avais centré le corner et un certain Diallo avait marqué le but de la victoire. De là, les dirigeants avaient décidé qu’ils allaient commencer à me payer un salaire. Imaginez, je me faisais payer 30.000 francs CFA par mois. Et cette somme, j’endurais pour la récupérer», nous dit-il en souriant.

A l’exception de plusieurs footballeurs de son époque, Henri Camara n’a pas porté les couleurs de la sélection nationale locale. Le recordman de sélection avec le Sénégal se fait éliminer à chaque fois qu’il se présentait en regroupement, apprend-on. Je n’avais jamais eu la chance d’intégrer la sélection nationale locale. Je ne me souviens pas avoir joué le tournoi Amílcar Cabral qui était à l’époque, la compétition à laquelle la sélection prenait régulièrement part. A chaque fois que j’étais en regroupement, on me recalait. Il y avait un sélectionneur qui n’aimait pas voir ma tête et quand il avait été démis de ses fonctions, les portes de la sélection m’ont été ouvertes.», se souvient-il encore.

DES DEBUTS EN EUROPE…

Après avoir impressionné les observateurs du football sénégalais dans le championnat local, le buteur du Jaraaf a pris la destination de la France pour poursuivre sa progression. Et malgré le talent, Henri Camara ne sera pas gardé par le Racing Club de Strasbourg qui, contraint de respecter la loi Bossman, sera obligé de le prêter en Suisse. A Strasbourg, je n’avais pas la possibilité de jouer à cause de loi qui limitait le nombre des étrangers dans une équipe. (Ndlr : Il s’agit d’un arrêt dont les quotas limitaient à 3 le nombre de joueurs étrangers ressortissants de l’Union européenne dans une équipe de club, qui constituent une discrimination entre nationalités européennes). Et c’est pourquoi j’avais été prêté en Suisse (Neuchâtel Xamax). Je n’étais pas le seul sénégalais là-bas parce qu’il y avait Pape Malick Diop qui était le premier à signer (Strasbourg), avant que je ne le rejoigne. Après le prêt avec Neuchâtel, j’avais été en prêt à Grasshoper Zurich (Ndlr : Suisse) avec qui j’ai été champion de Suisse. J’avais fini par résilier mon contrat. Je trouvais que les dirigeants de Strasbourg ne voulaient pas de moi. Avant de prendre la décision, j’avais expliqué à mon oncle que je n’allais pas repartir à Strasbourg. Et quand j’avais signé à Sédan et que j’avais commencé à marquer et à me faire connaitre du grand public, les dirigeants du Racing Club (de Strasbourg) étaient revenus pour parler des histoires d’argent, sous prétexte que ce sont eux qui m’ont fait venir et qu’ils avaient encore des droits sur moi. Mais j’avais fini par gagner le procès.», nous révèle l’ancien goleador de Southampton.

LA CAN 2000….

Fraichement transféré en Europe, Henri Camara débarque au Nigéria pour y disputer la grand-messe du football africain avec les Niokhor Fall, Khalilou Fadiga, El Hadji Mbaye Badji, Salif Keita, Cheikh Sidy Ba, El Hadj Pape Sarr, Moussa Ndiaye, Omar Diallo etc. Une expérience d’un gout d’inachevé selon le Lion. C’est la Coupe d’Afrique des Nations qui m’a la plus marquée. C’était ma première. Je n’imaginais pas jouer cette compétition de sitôt. On avait des joueurs qui avaient vraiment un esprit Navétane, des gens qui ne lâchaient pas, de vrais gagneur. Je parle de l’esprit Navétane par rapport au fait que personne ne lâchait. Il n’y avait que Khalilou Fadiga, Salif Keita, Pape Malick et moi, qui venait de signer mon premier contrat professionnel à l’époque, comme des joueurs expatriés. Sinon, le reste était composé de joueurs locaux et ils étaient tous bons.

Face au Nigéria ? Je n’oublierai pas ce match. Je me souviens encore de Pape Malick Diop qui était notre capitaine et qui avait décidé qu’on n’allait pas rentrer sur la pelouse, après l’envahissement. Les supporters nigérians qui sentaient que leur équipe était mal barrée avaient envahis la pelouse y compris les forces de sécurité qui y étaient aussi avec leurs chevaux, sur la pelouse. Je me souviens aussi qu’il y avait un monsieur qui était avec son cheval et qui fonçait direct sur moi (il rit). C’est ce jour-là que j’avais compris que j’étais vraiment rapide. J’avais pris la fuite, sinon il allait me blesser.»

CAN 2002, QUALIFICATIONS MONDIAL 2002, BOUBA DIOP…

La qualification à la Coupe du Monde reste un moment fort dans ma carrière. On venait de battre la Namibie et on était partis attendre le résultat du match de l’Algérie – l’Egypte dans les vestiaires. Quand on avait appris qu’on était qualifiés au Mondial, la joie était immense et j’étais très heureux. », se rappelle encore Henri qui était toujours à coté de Pape Bouba Diop. « Bouba et moi, nous étions très complices, plus que des frères. On s’était connus quand on avait 17 ans. On avait fait le Jaraaf, la sélection nationale junior et l’équipe nationale A, ensemble. On s’entendait bien. Avant chaque match, on se disait qu’on allait jubiler comme ci ou comme ça, si jamais on marquait un but. Et, à chaque fois que je lui disais : écoute Bouba, si je marque demain, on va jubiler comme ça. Et ironie du sort, c’est lui qui finis par marquer. On avait la « baraka ». Comme si Dieu nous attendait à chaque fois.» 

REMPLAÇANT FACE A LA FRANCE…

J’avoue que c’était difficile d’accepter le fait d’être sur le banc face à la France. C’ets un match que j’attendais depuis fort longtemps. Après la Coupe d’Afrique, me retrouver sur le banc, sachant que j’étais un titulaire ? Non, c’était très difficile. La folie de jeunesse m’avait même atteint, car, je me disais que si jamais, je trouvais mon passeport, j’allais rentrer à la maison. Mais ce n’était que pour chauffer parce que mon amour pour le Sénégal dépasse ces genres de détails. Imaginez si j’avais pris le chemin du retour, je n’allais pas marquer le doublé lors des quarts de finales.», nous dit-il. Après mon deuxième but face à la Suède, je ne savais même pas où courir. Pour moi, j’étais à Amitié (Ndlr : Stade Léopold Sédar Senghor). Vu que Bouba et moi, avions cette complicité dans notre façon de jubiler, je me suis retrouvé après qu’il m’ait touché à l’épaule. C’est là que j’avais compris qu’on devait danser notre danse déjà préparée le jour d’avant.» (il rit).

LES CLUBS QUI ONT ATTIRÉ SON ATTENTION…

J’ai connu plusieurs clubs dans ma carrière, mais Sedan (France) m’a beaucoup marqué tout comme Wigan Athletic (Angleterre) et Panetolikos GFS (Grèce). Dans ce dernier, il suffit que vous arriviez à l’entrée du stade pour voir une grande photo à mon effigie. J’ai passé de beaucoup moments là-bas et les dirigeants me vouent beaucoup de respect. Quand j’étais parti à Wigan aussi, au lieu de me donner mon ancien numéro (7), ils m’ont donné le numéro un (1). Ce qui montre qu’il avait du respect à mon encontre.»

L’ECHEC DE SES SIGNATURES AU PSG ET A MARSEILLE…

Je ne pouvais signer à Paris. Certes, je supporte Marseille, mais c’est parce que mon agent et les dirigeants n’avaient pas trouvé un terrain d’entente. J’étais à Wigan et c’est à la suite de cette épisode que j’avais signé à West Ham. », nous raconte Henri qui aurait pu bien jouer pour son club de cœur, l’OM. « Quand j’étais à Wigan, Marseille me voulait. Pape Diouf (ex-Président de l’OM) qui m’avait fait signer à Sédan avait saisi Thierno Seydi pour me dire que l’OM était intéressée. Malheureusement, les choses n’aveint pas connues du succès. Je me demandais aussi si est-ce que l’OM allait pouvoir débourser un salaire aussi important ou équivalent à celui que j’avais en Angleterre. Je rêvais très honnêtement de jouer à l’OM un jour, et ce transfert capoté m’avait fait très mal. Je rappelle aussi de celui qui a précédé celui-là. J’étais le 4e meilleur buteur du championnat (ex-aequo avec Djibril Cissé) de France avec Sedan. Il y avait un choix à faire entre Didier Drogba qui était le troisième meilleur buteur et moi. Et il (Didier) avait été choisi, puis j’étais parti à Wolverhampton.»

SÉLECTION MONDIALE…

Ma première sélection mondiale ? Oui, un beau moment. Je l’avais jouée avec de grands joueurs comme Bébeto, Abedi Pelé Ayew, Roberto Baggio etc., juste après la CAN. Nom de Dieu ! J’ai quand-même vieilli (il rit). Imaginez, j’ai joué ce match avec un joueur comme Abedi Pelé ;», s’amuse-t-il a rappelé en toute joie. La deuxième sélection mondiale en 2005 était aussi un beau moment. Je l’avais joué avec les meilleurs joueurs du monde de l’époque. Je me souviens que j’étais à Southampton et j’avais reçu mon invitation en même temps que Thierry Henry et Arsène Wenger. J’étais dans le même jet privé que Henry, son agent et Wenger. On était partis à Barcelone, où j’ai joué dans l’équipe de Ronaldinho (contre celle de Shevshenko). Ronaldinho est une personne très sympa et on se connaissait depuis l’époque, où il jouait encore au PSG et moi à Sédan. Et on avait de très bonnes relations.»

LA 100e SÉLECTION EN EQUIPE NATIONALE DU SÉNÉGAL

Je ne veux pas trop en parler. Mais, j’en profite pour remercier des gens comme le journaliste Abdoulaye Diaw. Je n’avais jamais été demandeur de ma 100e sélection même si Aliou Cissé voulait me sélectionner. Je lui avais dit de m’appeler si jamais il trouvait que je le méritais, mais qu’il ne le fasse pas par pitié ou par amitié. Il le voulait vraiment, mais j’ignore pourquoi il n’avait pas fini par le faire. Lors de mon Live Instagram avec Cheikhou Kouyaté (Ndlr : capitaine de l’équipe nationale actuelle du Sénégal), il m’avait dit lui aussi qu’il en avait parlé avec Cissé. Mais je préfère ne plus en parler parce que c’est une vieille histoire. Si les gens trouvent que c’est opportun d’organiser un match de gala, on verra ce que ça donnera.»

LA SÉLECTION ACTUELLE…

Il avait dans notre génération, des gagneurs, des joueurs qui n’avaient peur de rien et qui ni ne doutaient de rien aussi. C’est comme les joueurs qu’on a aujourd’hui. On a la meilleure équipe en Afrique en ce moment. Ce que le Cameroun et le Nigeria avait dans les années 90 et 2000 est ce que le Sénégal a aujourd’hui. On a nos joueurs dans les plus grands clubs et il faut qu’ils partent chercher la prochaine Coupe d’Afrique. Si j’ai des choses à leur dire, je les leur dirai, mais pas publiquement.»

EL HADJ DIOUF DANS LE STAFF DES LIONS…

«La sélection a besoin d’une personne comme El Hadj Diouf. Arrêtons les polémiques et mettons le côté positif des choses en avant pour aller chercher le trophée. Moi, ce que je peux apporter à l’équipe à l’heure actuelle, El Hadj Diouf peut le faire aussi. Il ne doit pas faire des apparitions aux cotés des jeunes et disparaitre après. Non, il doit y être pour toujours.

A notre époque, il était l’un des leaders de l’équipe. Avant les matchs, je l’écoutais et il avait le discours pour galvaniser l’équipe. », a soutenu Camara qui rappelle que Diouf entretient de très bonnes relations avec lui et sa famille. « El Hadj Diouf est plus qu’un frère. Sa femme est une vraie amie à la mienne et c’est la marraine de ma fille aussi. C’est à dire que c’est elle (Ndlr : Valérie Bishop, femme d’El Hadj Diouf) qui va l’accompagner (Ndlr : la fille d’Henri Camara) le jour de son mariage. El Hadj, c’est mon coéquipier avec qui je communique le plus aujourd’hui si je peux me permettre de le dire ainsi.»

JULES FRANCOIS BERTRAND BOCANDE

«Il nous a tous fait rêver. Même en jouant dans la rue, on se disputait sur qui allait se faire appeler Bocandé quand on était enfant. Il a bercé notre enfance et il nous a toujours inspiré. Je me souviens des années 98 où il était venu nous rendre visite lors d’un de nos regroupements. J’avais sauté sur lui parce que c’était un rêve de le voir de près. Je garde encore la photo de ce souvenir avec moi. A mes débuts, je me précipitais quand j’étais face au but. Et si je m’en suis sortis, c’est aussi grâce à Jules Bocandé. Il me rectifiait et me donner beaucoup de conseils. Il était aussi comme ça avec tous les attaquants de l’équipe.»

SA RECONVERSION…

J’avais envisagé de finir ma carrière au Jaraaf même si c’était pour un mois. Le mauvais sort s’y est mis (il rit). Mon genou avait commencé à me faire mal, mais j’étais prêt à aller signer au Jaraaf pour tenir ma promesse. En plus, l’état des pelouses au Sénégal n’allait pas me permettre de bien me sentir.», dit-il.

Pour être dirigeant du Jaraaf ? Je ne sais pas encore. C’est possible. Je pourrai aussi retourner dans mon ancien club en Grèce. Là-bas, j’ai aussi passé plusieurs années (Ndlr : Panetolikos GFS) avec de beaux moments partagés avec les supporters et les dirigeants. Je suis dans mes business et je me concentre déjà dessus. Je ne m’éloigne pas du football. On verra ce que l’venir me dira après. Là, je profite du temps que j’ai pour partager de beaux moments en famille parce que je n’avais pas le temps quand j’étais encore actif. », conclu Henri Camara.

Chérif Sadio

Reporter indépendant.

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