Foot Local

Que vaut la formation locale sénégalaise ?

L’observatoire du football a dans son numéro 292 de la Lettre hebdomadaire établi un classement des pays du monde entier selon le nombre de leurs représentants ayant joué à l’étranger pendant l’année civile 2019. Pays formateur de « génies », le Sénégal se positionne parmi les nations qui fournissent le plus de footballeurs dans le monde, en France plus particulièrement.

Le Brésil est en tête de classement (1’600 joueurs, dont 74,6% actifs dans un championnat de première division) devant la France (1’027 expatriés, dont 74,0% dans une première division). », nous renseigne le rapporte de CIES qui indique qu’au total, 186 associations nationales avaient au moins un joueur expatrié dans les 141 ligues des 93 pays inclus dans l’échantillon. Néanmoins, à eux trois, le Brésil, la France et l’Argentine fournissaient presqu’un quart de la main d’œuvre étrangère (22,5%). Le Nigeria est le principal exportateur africain (399 joueurs à l’étranger), tandis que le Japon est le premier exportateur asiatique (161). », apprend-on.

Ces statistiques placent donc le Sénégal (59,6%) comme le deuxième pays qui exporte le plus de footballeurs au monde, derrière le Nigeria (73,2%), en Afrique. À l’exception des footballeurs à double origines, la Ligue 1 compte 69 nationalités différentes de celle de la France. Le pays de la Teranga compte 22 représentants, derrière la France qui a à son actif 294 footballeurs, suivi du Brésil avec 26 joueurs, soit 4 de plus que le Sénégal qui est la troisième nation la plus représentée avec 22 Lions devant la Cote d’ivoire (13), le Mali et l’Algérie (12), a fait savoir en début de saison, la LFP.

L’Atlas des migrations élaboré présente les principales destinations pour chaque origine. Cet outil exclusif révèle notamment que les cinq pays important le plus de joueurs ayant grandi en France sont l’Angleterre, la Belgique, Luxembourg, l’Italie et la Turquie. Le Portugal est la première destination pour les Brésiliens, tandis le Chili est la principale destination des Argentins, poursuit le rapport de l’Observatoire du football.

Le 54ème Rapport Mensuel nous apprend également que l’analyse des pays où les joueurs ont disputé leur dernier match avant de débuter dans le big-5 montre que la moitié des recrutements sont réalisés depuis les divisions inférieures anglaises, italiennes, espagnoles et françaises (y compris les retours de prêt pour les joueurs n’ayant pas préalablement évolué dans le big-5), ainsi que le Pays-Bas et le Portugal. Les deux seuls pays extra-européens dans le top 10 sont le Brésil et l’Argentine.

Cette saison, le championnat local sénégalais a exporté une vingtaine de footballeurs dans divers horizons. Génération Foot a perdu Issa Soumaré (Orléans) Malick Cissé et Bakary Mané (Hassania d’Agadir en Tunisie), Ndiaga Yade et Ababacar Moustapha Lo (FC Metz). Teungueth FC avait perdu Faly Ndaw, avant qu’il ne signe son retour au bercail, après un bref passage au Club Africain de Tunis (Tunisie), tandis qu’Auguste Malo a pris la destination d’Al Najma Club au Bahreïn.

Le Casa Sports a consommé le départ de son portier prêté par Diambars FC, Ousmane Mané (Hafia FC de Guinée), après celui de Nicolas Jackson (Villareal en Espagne), de Youssouph Mamadou Badji (FC Bruges en Belgique) et de Mamadou Lamine Danfa (FC Kolos Kovalivka, Ukraine). Mor Talla Nguer a quitté l’Us Gorée pour Pau FC (France) tout comme Ousseynou César Gueye du Jaraaf qui a signé en faveur de Bourges Foot, en France.

Cayor Foot a transféré Dialy Kobaly Ndiaye (Stade de Reims), Mamadou Diatta (Briuges) et Amadou Sagna (Bruges). Mame Balla Tine et Cheikh Cory Sène de Diambars FC sont respectivement partis rejoindre Cholet et à Lens (France). Meissa Ba de Dakar Sacré Cœur a signé à Troyes et a évolué cette saison en Ligue 2. A noter que Souleymane Djimou Cissé de Stade de Mbour est parti rejoindre Celta Vigo en Espgane, au moment où Arona Diawara de Ndanguane FC signait à Cadiz (Espagne).

Le jeune défenseur international U20, Formose Mendy de Darou Salam, a signé en faveur du FC Porto (Portugal), Lamine Diack d’Oslo Academy a filé à Shkupi en Macédoine. Le virevoltant attaquant de Diambars Birahim Gaye et son coéquipier Abdoulaye Fall évoluent depuis le début de la saison à Al Shabab (Koweït), avant que le jeune ailier de l’académie sise à Saly Portudal (Mbour), Ibrahima Dramé ne prenne la destination de Linzeker (Autriche).

Avec tous ces départs, l’on pourrait se demander où va l’argent des indemnités des transferts des joueurs sénégalais ? Cette exportation rapide et massive des footballeurs locaux sénégalais vers l’étranger fait partie des obstacles qui pèsent sur les contre-performances des clubs locaux dans les compétitions africaines si l’on se fie aux propos de l’ancien sélection du Gabon, du Mali et du Sénégal, par ailleurs ancien milieu de terrain de l’équipe de France.

Je vais vous donner une statistique que j’avais faite avec un site professionnel de football sur le nombre de joueurs sénégalais qui jouent dans les premières divisions dans le monde. Il y en avait plus de 600 joueurs. On peut dire que cela explique pourquoi les clubs sénégalais n’arrivaient pas à avoir de résultats en Champions League ou en Coupe CAF.», nous révélait l’ancien sélectionneur du Sénégal jusqu’en 2015, Alain Giresse, invité du forum des journalistes africains il y a quelques semaines.

L’on se demande même comment aussi faire pour donner plus de force au football local sénégalais ? « Au Sénégal, on n’a ni Big Four (les quatre meilleurs) ou un club phare comparé à la Mauritanie ou à la Guinée où on sait qu’à la fin il y a le FC Nouadhibou et le Horoya AC qui vont gagner », a fait savoir Moustapha Seck, interrogé dans les colonnes de l’Agence de Presse du Sénégal. « Ces clubs poussent les autres à se sublimer et à aller investir dans les infrastructures et en allant chercher des joueurs et des techniciens aguerris », confiait à notre confrère Salif Diallo, l’ancien technicien de Teungueth FC, de l’AS Pikine, de l’AS Saloum, de Guédiawaye FC et de Niary Tally, actuellement sur le banc de la SONACOS.

Tapha Seck (Coach Sonacos, ex-coach Tevragh Zeina / Mauritanie)

A en croire Mr. Seck, le Sénégal doit créer des clubs solides, capables de rééditer les exploits de la Jeanne d’Arc de Dakar, dernière formation sénégalaise à franchir le deuxième tour de la Champions League CAF (Ndlr : finaliste de la Coupe de la CAF en 1999 et quarts de finaliste puis demi-finaliste de la Ligue des Champions en 2004). « Dans un premier temps, ce club aura comme ambition de domestiquer le championnat national avant de se lancer sur l’Afrique et je suis convaincu qu’il y aura un moment où il réussira à intégrer la phase des poules », concluait-il.

Interrogé récemment dans les colonnes de Foot Sénégal, l’ancien international sénégalais Ibrahima Sonko s’est indigné du fait que le football local sénégalais ne reflète pas ce que les Lions représentent en Europe, disait-il. Pour l’ancien joueur de Reading, il y a plusieurs facteurs qui font que le championnat local soit en deçà du niveau dans lequel il devait être. Notre championnat doit refléter ce que nos internationaux montrent en dehors de nos frontières. Tout se passe bien dans les petites catégories, mais cela ne se reflète pas au niveau local », soutient Sonko.

Le Sénégal est actuellement la meilleure représentation de l’Afrique. Même l’Algérie qui nous a battu en finale de la dernière Coupe d’Afrique ne passe pas devant nous en terme de représentation. Il y avait les Samuel Eto’o, Didier Drogba, Michael Essien comme étant les les meilleurs en Afrique à une certaine période. Aujourd’hui, ce sont des sénégalais qui sont au sommet. Et c’est Sadio Mané, Idrissa Gana Gueye, Kalidou Koulibaly qu’on peut voir dans les grands clubs. On ne peut pas que se baser sur les centres de formations qu’on a actuellement dans le pays. On devait en avoir un peu plus. », se désole l’ancien vert.

Assane Mbodj (Jaraaf) – Chérif Diallo (Pikine)

Interpellé sur la question de savoir quelle serait sa proposition, s’il était amené à apporter une réforme pour l’amélioration du niveau local ? L’élite du football sénégalais ne doit pas se baser ou se reposer sur ces centres uniquement. En France, il y a Clairefontaine comme en Espagne etc. Je sais que les conditions financières sont difficiles.  Je suis désolé de le dire, mais le Sénégal n’est pas pauvre. Les gens sont économiquement pauvres, mais le Sénégal ne l’est pas.  Je m’explique pour être plus clair. Quand on joue une Coupe du Monde, on reçoit de l’argent à chaque fois qu’on franchit une étape. On ne peut donc pas jouer le Mondial et dire qu’on a pas d’argent. Il faut être plus organisés et plus professionnels. On ne fait pas beaucoup d’efforts comme cela se passe ailleurs.

En Afrique du Sud, en Côte d’Ivoire, au Congo, les championnats sont bien faits et les résultats des clubs sont là. On est la meilleure nation africaine après tout. Notre championnat doit refléter ce que nos joueurs montrent à l’extérieur. Il faut créer un championnat d’élite en Ligue 1 et en Ligue 2. Si l’équipe en Ligue 1 descend en Ligue 2, sa petite catégorie descend aussi. Cela va permettre aux clubs d’avoir des jeunes qui auront de la compétition et qui pourront être prêts pour jouer dans l’élite comme cela se fait en Espagne etc.

Si j’avais à apporter une réforme, c’est ce que je demanderai à mettre en place au Sénégal. Je trouve anormal que des centres de formation soient aussi installés dans notre pays et qu’ils ne soient pas affiliés à la fédération. C’est à l’Etat de prendre ses responsabilités et de demander à tous les centres de s’affilier. A défaut, de les dissoudre. Le Sénégal a besoin de voir son championnat être attractif. Le public doit aussi soutenir le football local.», a résumé le jeune agent de joueurs.

L’analyse par ligue de début confirme que les aires de recrutement international varient passablement selon le championnat. Les principaux pays où les joueurs ont disputé leur dernier match avant de débuter dans le big-5 sont l’Autriche en ce qui concerne les footballeurs ayant débuté en Bundesliga, le Portugal pour la Ligue 1 et la Liga, les Pays-Bas pour la Premier League et l’Argentine pour la Serie A.

Le 54ème Rapport Mensuel de l’Observatoire du football CIES montre que la très grande partie des joueurs du big-5 accèdent à ces championnats depuis un des pays concernés, soit à partir des équipes réserve ou de jeunes de l’équipe de début (39,3% des joueurs), soit par un recrutement depuis un club d’une division inférieure du pays (17,8%) ou par la promotion de leur équipe d’appartenance (13,2%).

Ainsi, seulement environ trois joueurs sur dix accèdent à l’un des cinq ligues majeures depuis un club étranger. Les principaux pays tremplin sont les Pays-Bas (75 joueurs présents dans le big-5 en mars 2020 y ont disputé leur dernier match avant de débuter dans un des grands championnats), le Portugal (74) et la Belgique (71). Le Brésil (60) et l’Argentine (45) sont les deux seuls pays extra-européens où les clubs du big-5 recrutent un nombre important de joueurs.

L’analyse montre qu’en dépit de l’internationalisation et mondialisation du marché de travail des footballeurs, l’accès au big-5 continue à se faire depuis un nombre relativement restreint de ligues et de pays. Si 83 origines nationales étaient représentées dans le big-5 au mois de mars 2020, le nombre de pays d’où ces joueurs avaient été recrutés n’était que de 56.

Cette statistique du reflète la canalisation des flux migratoires vers des championnats dont le niveau sportif, bien que plus faible que dans le big-5, est suffisamment élevé pour permettre aux joueurs de développer leur potentiel et se rendre intéressants pour des clubs des grandes ligues européennes. Ces championnats jouent alors un rôle de tremplin pour la carrière des footballeurs les plus talentueux qui y transitent.

Loin des compétitions les mieux organisés, le championnat national du Sénégal traine encore le pas pour atteindre le niveau tant souhaité. Et pour le sélectionneur national des U20, le public et les sponsors doivent accompagner le football local. « Malheureusement, les gens ne comprennent pas que pour que le football soit attractif, il faut un public régulier. Certaines personnes préfèrent suivre le football européen à la télévision et porter en même temps des jugements négatifs sur le football local, sans le suivre. Il y a du progrès depuis quelques années, mais il faut continuer le travail. Des efforts sont en train d’être faits par les Présidents de clubs, les entraîneurs et les joueurs.», nous disait-il lors d’une interview.

Certes, il y a un manque d’infrastructures, mais il faut continuer à améliorer les secteurs déterminant pour que le football soit encore plus attractif. Par contre, le public doit venir et les gens doivent aussi arrêter de regarder Liverpool – Newcastle pour ensuite saboter notre football local qu’ils ne suivent pas.», poursuit le vice-champion d’Afrique U20 avec les Lionceaux qui appelle également les sponsors à aider les acteurs du football à améliore le niveau des compétitions locales.

Coach Dabo du Sénégal, lors de la FIFA U-20

Les clubs ont des dossiers solides, mais ils ne peuvent pas accepter des sponsorings qui ne peuvent même pas payer un mois des salaires de leurs effectifs. Malheureusement, si c’est la sélection nationale qui leur propose un sponsoring, ils répondent positivement. Même quand les autres sports comme la lutte les sollicitent, ils y vont. Et si c’est le football local, il recule. Pour ce qui est de l’aide de l’Etat, je n’ai pas beaucoup d’informations là-dessus.

Je sais que les responsables sont en train de faire des efforts, mais il faut continuer.», nous disait le double vainqueur du tournoi des confédérations ouest africaines (Wafu Cup) selon qui la Direction Technique Nationale doit également enchaîner la formation des cadres parce que la demande est là., dit-il. Le passage des diplômes d’initiateurs doit se tenir par exemple tous les ans. Par contre, celle des diplômes les plus élevés peut-être distancée. Mais il faut aider les entraîneurs à se former», afin d’améliorer les conditions de travail de ses collègues entraîneurs qui fournissent des efforts considérables dans la formation des étoiles de demain.

Chérif Sadio

Reporter indépendant.

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