Equipe Nationale

Alain Giresse nous parle de son départ du Sénégal, de Sadio Mané et d’Aliou Cissé

Invité du groupe des journalistes africains, l’ancien sélectionneur national du Sénégal Alain Giresse a répondu aux questions de nos confrères qui n’ont pas manqué de revenir son passage à la tête des Lions. Sans langue de bois, l’ancien milieu de terrain des Girondins de Bordeaux nous a tout dit.

Demi-finaliste de la dernière Coupe d’Afrique des Nations en Egypte avec la Tunisie, l’ancien sélectionneur national du Sénégal Alain Giresse a répondu aux questions de nos confrères africains, à travers leur plateforme WhatsApp.

A l’image de bon nombre de gens à travers le monde, l’ancien milieu de terrain de l’équipe de France des années 80 n’est pas resté indifférent face à la montée spectaculaire de la propagation du Coronavirus qui a mis aux arrêts le football dans les quatre coins du monde.

« Comme le monde entier, comme c’est le cas en France, je suis confiné à mon domicile pour éviter cette terrible épidémie qui touche beaucoup de gens. Il faut prendre son mal en patience jusqu’à ce que la raison l’emporte. », nous a fait savoir Giresse.

Actuellement au chômage, le français ne s’est pas encore engagé avec une équipe. Il a par ailleurs souligné qu’il s’était investi dans d’autres activités qu’il n’a pas précisées, mais se dit être toujours prêt à reprendre son métier sur le continent.

« Après mon départ de Tunisie, où la résiliation s’est faite à l’amiable entre le Président et moi-même, j’ai pris un peu du recul. J’avais diverses activités, mais je n’ai pas encore repris mes activités d’entraîneur même si je tiens à cœur une sélection dans le continent ».

Confronté à la Cote d’Ivoire de Didier Drogba, Yaya Touré, etc., Giresse garde encore des souvenirs du Sénégal. « Pour le Sénégal, nous avons raté de très peu la qualification à la Coupe du Monde 2014, surtout face à la Cote d’Ivoire. L’équipe était jeune. Elle manquait d’expérience et elle reposait sur deux joueurs qui étaient en train de terminer leurs parcours en équipe nationale et deux jeunes qui n’étaient pas encore arrivés à maturité à savoir Sadio Mané et Idrissa Gana Guèye.

Mais je savais que c’était une équipe en devenir comme Aliou Cissé l’a si élégamment signifié lors de la demi-finale de la Coupe d’Afrique Egypte 2019, reconnaissant que j’ai été à l’origine de la construction de cette équipe. C’est ce qui montre que j’avais juste manqué de temps. », dit-il.

Qualifié de « sorcier blanc » du fait d’être un européen opérant qu’en Afrique, Giresse n’a pas manqué de revenir sur les jeunes footballeurs qu’il a eu à lancer dans le grand bain en sélection. « J’ai eu la chance de connaitre des joueurs tels que Sadio Mané et Pierre Emerick Aubameyang. Pierre, je lui ai fait démarrer avec la sélection du Gabon.

Il était au début de son expansion, de sa dimension et de sa progression. On en voit son parcours et le niveau qu’il a atteint aujourd’hui. On parle de lui au Real Madrid. Ce qui montre qu’il a atteint une dimension internationale. Il en est de même pour Sadio Mané qui était un jeune joueur qui était aussi à ses débuts. Il avait déjà un gros potentiel technique et moral pour devenir le grand joueur qu’il est aujourd’hui. »

Son passage au Sénégal a marqué les esprits. Si les uns ont retenu du positif dans la reconstruction qu’il avait entamée avant Aliou Cissé, d’autres retiennent de lui un sélectionneur qui a durant son parcours, eu d’énormes soucis avec la presse nationale. La presse, ce domaine qui n’a pas facilité son travail dit-il.

Alain en garde de mauvais, mais de bons rapports aussi. Selon lui, certains de nos confrères journalistes allaient parfois au-delà de l’aspect footballistique. « Mes rapports avec une partie de la presse était très difficile lors de mon passage au Sénégal. C’était une véritable opposition. A partir de ce moment-là, ils ne me faisaient pas de cadeau. Tout était critique. Il fallait me trouver des prétextes à chaque fois.

Il y avait une forme de malhonnêteté dans la présentation. C’était très compliqué. On en était presque à un problème personnel. Je comprends qu’ils peuvent être d’accord ou ne pas l’être, mais se limiter à cela et ne pas atteindre la personne. Heureusement que je garde de très bons souvenirs avec quelques journalistes avec qui j’ai de très bons rapports. », révèle-t-il.

Quant à la question de savoir le pourquoi de sa préférence du continent africain pour le poste de sélectionneur, l’ancien coéquipier de Michel Platini nous parle avec un langage plutôt amoureux de l’Afrique qu’il a découverte à travers le banc de la sélection nationale du Gabon, pays avec lequel il a débuté. « Le choix d’être sur le continent, je l’ai eu quand je suis allé prendre la sélection du Gabon. Je me suis engagé et je me suis toujours investi.

Je n’ai jamais laissé une sélection en ruine. Je laisse toujours une équipe en construction et même installée derrière moi. Travailler en Afrique ? Ce n’est pas par défaut parce que cela voudrait dire que les joueurs ne sont pas respectables. Or, ce n’est pas ça. Ce sont de grands professionnels qui jouent dans de grands clubs professionnels. Les faire revenir porter les couleurs de leurs pays est un beau challenge et cela m’a toujours plu ».

Pour Giresse : le football africain et très, très compliqué. Si on doit le résumer, on dira que c’est le pays et les compétitions nationales notamment les championnats de première et de deuxième division, des championnats de jeunes aussi. Le problème est d’avoir un calendrier des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2 régulier.

L’autre problème en Afrique est le manque de moyens pour pourvoir bien s’entraîner, de payer les éducateurs etc. Quelques fois, les organisations laissent à désirer parce qu’on n’arrive pas à mettre de l’ordre dans l’organisation de la manière qu’il convient. Malheureusement, on ne pense pas beaucoup à l’intérêt du sport et du football en général. », se désole-t-il.

Battue en demi-finale par le Sénégal, la Tunisie de Giresse n’avait fait que constater les dégâts causés par la bande à Sadio Mané qui a finalement raté la Coupe d’Afrique aux mains des algériens. « Quand on est tombé sur le Sénégal, je me suis dit : ” C’est encore une histoire du destiné.

J’avais rencontré le Gabon avec le Mali et le Mali avec le Gabon. J’avais connu cette équipe du Sénégal avec des joueurs qui ont pris une autre dimension et qui, quand j’étais à la tête de la sélection, ne voulaient pas venir. J’ai préparé le match de la façon qu’il fallait. Et après avoir regardé la rencontre, on se rend compte que la Tunisie n’a pas raté son match. Je ne parlerai pas du penalty qui nous a été refusé, après celui que nous avons raté, mais le match a été à la hauteur. Malheureusement, notre chance n’était pas là. », souligne l’ancien coach des Lions.

Qui de mieux placé qu’Alain Giresse pour évoquer la montée en puissance des sélectionneurs nationaux africains qui commencent à forcer les portes et à réaliser des résultats probants sur le continent ? D’après l’ancien Bleu : « Il faut que tous ces éducateurs et entraîneurs africains passent leurs diplômes. C’est une nécessité.

Il faut qu’ils l’obtiennent parce que c’est ce qui leur donne du savoir. Le manque qu’ils ont est d’être confronté à des pros avec un mode de fonctionnement pro. Pour les entraîneurs qui n’ont pas connu un passé de joueur professionnel, ils peuvent être confrontés à cette réalité, mais ce n’est pas tous parce que les exemples sont là. Par contre, il faut tout accentuer dans la formations des éducateurs et des entraîneurs.

Les anciens joueurs doivent s’y soumettre eux-aussi aussi. Souvent, ils s’imaginent que le fait qu’ils aient été d’anciens joueurs suffit pour être un bon entraîner. Mais non, le fait d’avoir été un ancien joueur ne garantit pas le fait de devenir un bon entraîneur. », nous rappelle l’ancien sélectionneur du Mali.

Pas très stable à la tête des sélections qu’il dirige depuis ses débuts en Afrique, Alain est souvent sur une chaise éjectable. La raison, il nous l’explique en revenant sur son parcours qui a débuté il y a 14 ans. « Quand j’ai commencé au Gabon, j’ai signé en 2006 et en 2008, on n’était pas qualifiés pour la Coupe d’Afrique au Ghana. Malgré cela, le Ministère et la fédération qui a eu conscience du travail qui était en train d’être fait m’avaient demandé de continuer.

Au Mali, en 2012 après la CAN, on me dit qu’il fallait modifier le mode de fonctionnement de l’équipe alors que nous sortions d’une troisième place. Je leur ai dit qu’on ne pouvait pas toucher à quelque chose qui marchait. Au Sénégal, c’était compliqué avec l’environnement qu’il y avait autour de l’équipe. C’est ce que j’avais dit au Président de la FSF Augustin Senghor qui souhaitait que je continue. Je lui avais dit « écoutez Président, vaut mieux arrêter.

C’était mieux pour tout le monde parce qu’il fallait un peu plus de sérénité. Et cette sérénitén on ne l’avait pas dans les conditions de l’époque. Il y a toujours des situations qui font qu’on n’est pas en phase. Moi, je pars toujours avec la tête haute parce que personne ne pourra dans le pays par où je suis passé, me dire que je ne m’investis pas. Je m’investis parce que je suis là pour ça. J’ai fait des choses que vous serez surpris de savoir pour un sélectionneur. Tout pour que les joueurs soient dans de meilleures conditions. », révèle Giresse à propos de son départ de la tête des Lions du Sénégal.

Insistant sur le développement du football à la base, Alain n’a pas hésité à magnifier les efforts fournis par la Fédération Tunisienne de Football qu’il dit lui avoir mis dans les conditions de pouvoir bien préparer sa sélection lors de la dernière Coupe d’Afriique, même si la séparation s’est faite à l’amiable, révèle-t-il. En terme de moyens et de conditions de travail pour permettre à la sélection d’être performant, je dirai que c’est en Tunisie où il y avait de grosses structures autour de l’équipe nationale avec moyens assez impressionnants.

Ce n’était pas la même chose dans les autres pays africains. Les joueurs n’ont pas manqué de qualité de problème d’hébergements, de primes, etc. On arrivait à régler tous ces problèmes dans une bonne organisation. », rappelle-t-il.

Observateur averti du football européen, l’ancien technicien des Panthères du Gabon a été interpellé sur la montée en puissance des footballeurs africains tels que Sadio Mané et Mohamed Salah qui titillent de plus en plus les sommets du football mondial. Selon lui, le football africain a beaucoup évolué. Une évolution qu’il n’a pas manqué de saluer.

« J’ai joué contre de grands joueurs africains comme Jules Bocandé et Roger Milla. Je dirai que les joueurs de l’époque n’avaient pas encore atteint la dimension actuelle. Entre les années 80-90, il y avait peu de joueurs africains qui étaient susceptibles de figurer dans le classement des distinctions des grands joueurs », contrairement à aujourd’hui.

Quart de finaliste et demi-finale de la Coupe d’Afrique des Nations, Giresse nourrit toujours son ambition de soulever le Graal et pourquoi pas de qualifier une sélection africaine au Mondial. « Il y a toujours ce regret de ne pas avoir gagné une Coupe d’Afrique ou de ne pas s’être qualifié à une Coupe du Monde. Mais c’est c’est le souhait de tout entraîneur : d’obtenir de meilleurs résultats et de participer à un Mondial. Peut-être qu’un jour, ça viendra.

La CAN, je ne pourrai pas la gagner en tant que joueur, mais j’ai gagné l’Euro et j’ai aussi disputé la Coupe du Monde. Je peux vous dire que ce sont des compétitions exceptionnelles. », nous dit le français. A écouter Giresse, on sent en lui le sentiment du gout d’inachevé à travers son langage. Il ne manque pas de saluer la richesse de la sélection du Sénégal qu’il a dirigé avant l’actuel sélectionneur Aliou Cissé.

« Le joueur sénégalais qui m’avait impressionné était Sadio Mané. Mais il n’était pas encore le grand joueur qu’il est devenu, voir l’un des meilleurs joueurs du Monde qu’il est à l’heure actuelle. Il y avait aussi les Cheikhou Kouyaté etc. Il y avait des joueurs qui avaient des potentialités intéressantes comme Dame Ndoye, Papiss Demba Cissé, Mame Biram Diouf. Je ne suis pas surpris que le Sénégal ait une équipe de haut niveau aujourd’hui ».

Par rapport au football local, le bordelais met le couteau dans la plaie. Le championnat sénégalais, je le suivais quand j’étais déjà là-bas. Les conditions d’entrainement pour les clubs n’étaient pas bien réunies. Il y avait qu’un seul stade qui accueillait toutes les équipes de Dakar (Ndlr : Stade Demba Diop). Ce n’était pas évident.

Je vais vous donner une statistique que j’avais faite avec un site professionnel de football sur le nombre de joueurs sénégalais qui jouent dans les premières divisions dans le monde. Il y en avait plus de 600 dans le monde. On peut dire que cela explique pourquoi les clubs sénégalais n’arrivaient pas à avoir de bons résultats en Champions League ou en Coupe CAF. », a conclu Alain Giresse.

Chérif Sadio

Reporter indépendant.

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