Dakar, 30 Août 2025 – Lorsque la ministre des Sports, Khady Diène Gaye, a révélé sur le plateau de Naaay Leer (RTS1) que la qualification à la Coupe du Monde et la conquête d’une Coupe d’Afrique figuraient dans le contrat de Pape Thiaw, beaucoup y ont vu un signe d’ambition.
Au-delà du discours de Mme Diène Gaye, la question se pose : est-ce réaliste pour le sélectionneur sénégalais et son équipe, en pleine mutation ?
L’ombre d’une génération dorée
Le Sénégal sort à peine de l’ère dorée de Sadio Mané, Kalidou Koulibaly, Idrissa Gana Gueye ou encore Édouard Mendy. Une génération qui a offert au pays sa première Coupe d’Afrique (2022) et des participations consécutives à la Coupe du Monde. Aujourd’hui, Pape Thiaw hérite d’un effectif en reconstruction, entre anciens cadres vieillissants et jeunes talents encore en apprentissage du haut niveau. L’équilibre reste fragile.
Une qualification déjà compromise ?
Sur le chemin du Mondial 2026, les Lions sont deuxièmes de leur poule, derrière la RD Congo. La donne est claire : la réception du Soudan à Diamniadio et le déplacement périlleux à Kinshasa seront décisifs. Sur le papier, le Sénégal reste favori, mais la marge de manœuvre est mince. Une contre-performance à domicile pourrait tout compromettre. Pape Thiaw doit trouver rapidement une alchimie dans un groupe encore hésitant, au risque de voir filer la première place, seul sésame direct pour le Mondial.
Une CAN, mais à quel prix ?
Quant à la Coupe d’Afrique des Nations, viser un deuxième sacre en pleine phase de transition semble tout aussi ambitieux. La compétition africaine ne pardonne pas l’impréparation. L’histoire récente rappelle que les favoris chutent souvent face à des outsiders mieux structurés. Or, le Sénégal peine encore à imposer un collectif fluide. Des individualités émergent (Idrissa Gueye, Habib Diarra, Lamine Camara, El Malick Diouf, Nicolas Jackson), mais l’identité de jeu tarde à se dessiner clairement.
Entre ambition politique et réalités sportives
Fixer de tels objectifs est louable : le Sénégal est une grande nation de football et doit viser l’excellence. Mais inscrire dans un contrat à la fois une qualification mondiale et une victoire continentale ressemble plus à une pression politique qu’à un projet sportif mesuré. Un entraîneur a besoin d’un cadre clair, d’un temps d’adaptation et d’une vision partagée. Or, le risque est de transformer chaque match en examen couperet, au détriment du long terme.
Ce qui est possible
• Qualification au Mondial : difficile, mais jouable si le Sénégal gagne à domicile et réussit un exploit à Kinshasa. La profondeur de l’effectif, même en mutation, reste supérieure à celle de ses concurrents directs.
• Remporter la CAN : envisageable, mais seulement si le groupe trouve rapidement une cohésion et que certains jeunes explosent au bon moment.
Ce qui paraît illusoire
• Cumuler les deux objectifs dans un laps de temps aussi court. Rares sont les sélections capables de gérer simultanément une reconstruction, une qualification mondiale incertaine et un sacre continental.
Le Sénégal a les moyens de rester compétitif, mais demander à Pape Thiaw de livrer deux trophées majeurs d’un coup, dans ce contexte, relève davantage de l’utopie politique que de l’analyse sportive. La vraie réussite serait déjà d’assurer la continuité au Mondial et de poser les bases d’une nouvelle génération capable, à moyen terme, de régner à nouveau sur l’Afrique.
Par Thibault Germain