Un des footballeurs le plus talentueux de sa génération, Diao Keita Baldé est passé du statut de titulaire indiscutable à celui d’un remplaçant, avant de renaître ces dernières semaines. Formé à la Masia, Keita est de plus en plus au cœur du succès de l’AS Monaco, où il semble retrouver ses sensations d’il y a 4 ans. Retour sur la genèse de la renaissance du Lion de la principauté.
Footsenegal.com (Paris) – Après trois (3) saisons abouties à la Lazio, où il avait même remporté le titre du meilleur jeune footballeur de la Série A (Ndlr : championnat de première division de l’Italie), Diao Keita Baldé était sur les petits papiers des gros cylindres européens. La presse européenne avait même relayé qu’Arsène Wenger voulait le faire signer à Arsenal FC, après une Coupe d’Afrique des Nations Gabon 2017 (convaincante individuellement), où il s’était fait remarqué dans l’attaque du Sénégal.
La Coupe d’Afrique 2017

L’on se demande ce qui lui manque pour figurer parmi les nominés au Ballon d’Or (CAF) à l’image de Sadio Mané, Ryad Mahrez ou encore Pierre Emerick Aubameyang ou Mohamed Salah ? Il y a trois ans en arrière, bon nombre d’observateurs auraient misé sur un Ballon d’Or de Keita Baldé, vu son ascension fulgurante en Série A, un championnat qui n’a pas réussit à de grands noms du football mondial.
Né en Espagne, Keita Baldé qui avait pourtant évolué avec la sélection régionaliste ou indépendantiste de la Catalogne était aussi éligible pour la Roja (Ndlr : surnom de l’équipe nationale de l’Espagne). Jamais appelé par l’Espagne, il tardait aussi a répondre à la sélection sénégalaise pour des raisons qu’il révélera juste après ses débuts avec les vice-champions d’Afrique 2019.
Je voulais attendre, voir ce que me disait mon cœur, avant de choisir une équipe nationale. Ensuite, j’ai senti que ce serait le Sénégal. J’ai parlé à mes parents, et j’ai décidé., disait-il. Depuis, je n’ai pas vécu un seul jour plus émouvant que celui où j’ai débuté en sélection (Ndlr : le 26 mars 2016 contre le Niger). Toute ma famille était au stade. Ils se sont levés, ils hurlaient dès l’échauffement. Voir les regards de ma mère, mon père, ma grand-mère, c’était une émotion incroyable. », révélait l’ailier monégasque dans la presse sénégalaise.

A peine débarqué en sélection nationale, Diao Keita Baldé fait parler de lui. Le lion enchaîne des prestations qui promettent aux sénégalais, la naissance d’un « prodige ». Des attentes placées au joueur formé à la Masia (Ndlr : académie du FC Barcelone) qui ne seront pas décevantes lors des éliminatoires et même lors de la Coupe d’Afrique (Ndlr : Gabon 2017), où le Sénégal s’était malheureusement fait éliminer par le futur vainqueur, le Cameroun, par tirs au but.
Sur le plan individuel, le jeune Lion sort de cette compétition avec des prestations assez importantes. Il gagne en maturité, emmagasine de la confiance et voit sa carrière prendre une autre tournure. A la Lazio, il devient l’un des hommes forts du dispositif de Simeone Inzagui avec qui il finira en bras de fer.
Le bras de fer à la Lazio

Cité dans les grands clubs, dont la Juventus qui avait beaucoup misé sur lui, Keita surprend tout le monde en prenant le contre-pied. Nous sommes à l’été 2017, Diao entre dans l’histoire des transferts de la formation de la principauté française, AS Monaco. La signature du sénégalais alors âgé de 22 ans pour 30 millions d’euros était le plus gros investissement monégasque de la saison, soit le troisième de l’histoire du club derrière le transfert de Radamel Falcao Garcia (60M) et celui de James Rodriguez (45M). Mais avant de débarquer, Baldé avait fait un forcing qui lui avait coûté sa place de titulaire. La Lazio ne voulait pas vendre à une équipe italienne, mais le sénégalais avait les idées ailleurs. Une occasion pour Inzagui de l’écarter lors de la finale de la Supercoupe d’Italie qui opposait son club à la Juventus Turin, le premier courtisant direct du Lion.
Fâché, Keita contre-attaque. Le sénégalais publie dans la foulée un message fort à travers son compte Twitter. « Ma non convocation pour la Supercoupe d’Italie m’a laissé un goût amer. La décision du club, évidemment pour des critères non sportifs, me procure un terrible sentiment de mal-être, dont il est encore difficile d’évaluer les conséquences », pouvait-on lire du sénégalais, 16 fois buteur avec 5 passes décisives en 31 matchs de Serie A, la saison d’avant son départ à l’ASM. Le manque de préparation intensif a dû impacter sur son physique, d’où ses pépins physiques quelques mois après ses débuts prometteurs en Ligue 1.
La concurrence en sélection

En équipe nationale du Sénégal, Diao passe du statut de titulaire indiscutable à celui du remplaçant. Le sélectionneur national Aliou Cissé ne misait plus sur l’ancien barcelonais comme ce fut le cas avant. L’ailier monégasque perd sa place au profit d’Ismaila Sarr, d’où la naissance de son fameux faux problème avec le coach national. Mais, il fallait aussi une blessure pour laisser ce gros écart au profit de ses concurrents. « Il n’y a pas de problème avec Keita Baldé », avait fait savoir Cissé lors de sa conférence d’avant match de Coupe du Monde Russie 2018 face à la Colombie.

« Diao Keita Baldé est un très bon joueur. Il a été longtemps blessé. Il est revenu, et il a beaucoup travaillé pour être à ce niveau-là. Maintenant, comme je l’ai dit, je compte sur 23 joueurs. Il y a eu des choix qui ont été faits, mais effectivement je pense que c’est un garçon qui, quand il rentrera, apportera ce qu’on attend de lui. J’ai énormément confiance en lui. Je sais qu’il a les qualités pour débuter, mais j’ai fait des choix tactiques par rapport à un schéma qu’on a mis en place. », disait Cissé avant d’affronter les Cafeteros (Ndlr : surnom des joueurs de football de la Colombie).

Bon dribbleur, Diao Keita Baldé s’était retrouvé dans une situation à plusieurs équations. Le Lion n’arrivait à enchaîner ni en club ni en sélection. L’on se demandait même ce qui lui arrivait depuis la CAN 2017, voir s’il a une bonne hygiène de vie ? Sachant que que le sport de haut niveau, notamment le football moderne a ses paramètres à respecter pour figurer parmi les grands, Diao a à un moment donné dû perdre sa vivacité tant chantée à ses époques romaines.

Ca va vite dans le football, ce sport aussi compliqué qu’on ne peut l’imaginer. Depuis le début de la dernière décennie, le sport roi ne s’améliore pas que sur les pelouses. Il s’agit d’un un processus mis en place par les entraîneurs et leurs staffs qui offrent un meilleur rendement aux joueurs une fois les tenues de matchs sont enfilées en clubs et en sélection.

Dans la plupart des cas, c’est au mois de juillet que les clubs retrouvent les chemins de la reprise avec en appui, la joie des stages de préparation. Et lors de son bras de fer, Diao avait par moment séché les entrainement et ne s’était pas rendu en regroupement fermé avec son équipe. Le quotidien Stades avait révélé que le Lion s’était rendu en Espagne, où il s’entraînait avec la Masia, centre de formation du FC Barcelone.
« Ne pas chercher à dépasser ses limites en pensant à ses performances d’avant la coupure. Il faut donc être patient, progressif, prendre les séances les unes après les autres en se concentrant sur le présent afin d’optimiser chaque entraînement.

Il est préférable de noter les progrès de jour en jour ou de semaine en semaine, plutôt que de regarder l’écart qui nous sépare de l’objectif », peut-on entendre de la bouche de Randy Fondelot, coach physique en France. Dans le football moderne, il ne suffit plus de savoir taper au ballon uniquement pour devenir un joueur professionnel ou un grand joueur. Désormais, les footballeurs sont surentraînés, ultra-évalués, et surtout très surveillés par des équipes sanitaires, chargées de veiller à la forme des athlètes.

Désireux d’améliorer le rendement des joueurs, l’heure des coachs est à la nutrition, la récupération, et surtout à la préparation physique de leurs hommes. Aussi, vu le nombre de courses à intensité élevée, le footballeur moderne se doit d’être capable de répéter les efforts, surtout pour les joueurs de couloir. Le poste d’homme de couloir demande à être endurant et avec une excellente condition physique, afin de multiplier les aller-retours.
Prêté à l’Inter Milan la saison écoulée, Keita n’a pas pu « convaincre » les dirigeants intéristes qui n’ont pas pu lever son option d’achat, d’où son retour à l’AS Monaco malgré ses 30 rencontres disputées avec ses 5 buts marqués en toutes compétitions confondues. Une situation qui l’a obligé a travailler ardemment pour se faire respecter et faire parler de lui positivement cette saison.

Certes, Diao a un talent qui ne reflète aucunement pas ses réelles performances en sélection et en club depuis un certain moment. Certes, l’ancien joueur de la Lazio a réalisé des statistiques très importantes à ses débuts dans le haut niveau, en Série A notamment. Certes, ne serait-ce que pour son expérience en Série A, en Ligue 1, en Champions League, en Europe League, en Coupe du Monde et en Coupe d’Afrique, l’ancien Catalan a emmagasiné de l’expérience durant ces dernières années. Mais, est-ce une raison valable pour ne pas s’inquiéter sur la forme et sur l’avenir du Lion face à la rude concurrence qui s’impose cette saison avec Wissama Ben Yedder, Islam Slimani ? Déjà, par respect pour la glorieuse incertitude du football qui reste une science inexacte, la réponse pourrait à la fois être positive et négative. Ce qui est certain, c’est que cette concurrence pourrait avoir des conséquences positives ou négatives sur le temps de jeu du vice-champion d’Afrique qui n’a pas pu retrouver sa place de titulaire lors de la dernière CAN en Egypte.

Ce qui est aussi important en permanence pour tirer le meilleur des défenseurs, des milieux et attaquants dans le football moderne, c’est que le jeu de la concurrence entre les lignes est également utilisé par les entraîneurs comme c’est le cas d’Aliou Cissé pour maintenir les joueurs sous pression, afin d’éviter que certains ne se reposent sur leurs lauriers peut être bénéfique à la sélection. Pour retrouver sa place, le Lion a dû reprendre sa confiance et son physique pour varier ses statistiques. Ce qui est sûr, c’est qu’il a en lui, tout ce dont ses concurrents ont, au point de s’imposer devant lui.

La différence se trouve dans l’envie, dans la volonté et dans la rage. Un Diao au meilleur de sa forme n’a certainement rien à envier aux autres pépites citées comme grands espoirs du football mondial. Et depuis un mois, Keita Baldé semble comprendre ces aspects caractéristiques qu’impose le haut niveau, d’où son retour dans le onze (11) titulaire de l’ASM.
La naissance de son premier enfant, une forme de responsabilité

« La femme de Diao Baldé Keita est en état de grossesse. Depuis le match contre le Brésil à Singapour, on a eu une discussion et on a décidé de le laisser à côté de sa femme, a indiqué le coach à la presse. Prions pour que cela se passe bien pour sa femme. » , nous renseignait le sélectionneur du Sénégal, Aliou Cissé en conférence de presse pour justifier les absences de Baldé lors des deux premières journées des éliminatoires de la Coupe du Monde Qatar 2022, face à Eswatini.
Il fallait attendre la fin de l’année 2019 pour voir le sénégalais accueillir son premier enfant source de sa motivation comme il l’a récemment révélé. La naissance de son bébé a coïncidé avec le déclic, d’où le questionnement sur l’importance de cet aspect sociologique et psychologique ô combien important.

Certes, le football compte plusieurs variables à l’image du talent, mais la condition physique et l’hygiène de vie restent primordiaux. De nos jours, les techniques de récupération se sont beaucoup améliorées, les entraînements également, et tout cela peut provoquer quelques exploits sur la scène européenne, africaine et mondiale. Même résultat en ce qui concerne la préparation mentale qui est à la fois morale et psychologique, d’où leurs impacts sur les relations, le comportement et la confiance qui sont également une denrée importante dans le haut-niveau.

Remplaçant en début de saison, Keita Baldé commence à retrouver ses sensations. Le lion était l’invité de l’émission « Morning routine » de la télévision de son équipe. En 5 minutes, le sénégalais a résumé son début de saison et est revenu sur comment il est revenu de loin. « Je me suis bien reposé et je me sens bien », a-t-il fait savoir. Opposé au Paris Saint-Germain la semaine dernière, l’AS Monaco a réussi l’une de ses meilleures performances en Ligue depuis un bon bout de temps.

Avant le déplacement au Parc des Princes, Keita avait annoncé la couleur. « Nous nous sommes bien préparés pour affronter Paris, poursuit-il avant de revenir sur son manque de temps de jeu. Certes, je n’ai pas beaucoup joué, mais j’ai toujours essayé de rester moi-même. Je ne pouvais pas me fâcher parce que je ne jouais pas. Le plus important est de faire la différence en donnant tout quand j’entre, afin de retrouver la place de titulaire, a rappelé le vice-champion d’Afrique à quelques heures du choc qui a accouché d’un match nul (Ndlr : 3-3) palpitant entre le PSG et l’ASM.

Depuis le début de la saison, le sénégalais a marqué 6 buts et délivré 3 passes décisives, soit une implication sur 9 réalisations en 18 rencontres (Ndlr : 774 minutes disputées). Des statistiques loin de celles qu’il réalisait il y a 4 ans en arrière, mais des signes d’un retour du Lion qui avait du mal à se faire une vraie place dans le dispositif de Leonardo Jardim (ex-coach de Monaco). L’arrivée de Roberto Moreno sur le banc monégasque pourrait être un nouveau déclic pour le Lion qui vient de disputer la totalité d’une rencontre pour sa troisième fois depuis le début de la saison 2020.