Le Sénégal fait face au défi de conserver sa couronne : entre instabilité, critiques et espoirs ténus. Parmi les grands enjeux du prochain Championnat d’Afrique des Nations (CHAN), la performance du Sénégal, tenant du titre, suscite une attention particulière.
Sacré en 2023 au terme d’un parcours solide, le Sénégal aborde cette nouvelle édition avec un tout autre visage, beaucoup plus incertain. Le départ massif de joueurs locaux vers des championnats étrangers, la fin du cycle initié par Pape Thiaw, et les premières décisions controversées de son successeur, Dr. Souleymane Diallo, plongent la tanière dans une phase de transition délicate. Peut-on encore espérer une défense de titre sérieuse dans ces conditions ?
Une couronne à défendre, mais sans ses joyaux
La plus grande richesse du Sénégal au CHAN 2023 résidait dans la cohésion de son groupe, fruit d’un long travail de Pape Thiaw, un entraîneur patient et pragmatique. Ce dernier avait su tirer le meilleur d’un vivier local de qualité, organisé autour d’un pressing haut, d’une rigueur défensive exemplaire, et d’une mentalité combative.
Mais l’un des paradoxes du CHAN, vitrine du football local, est qu’il pousse naturellement les joueurs à s’exporter dès la première belle performance. Le sacre sénégalais n’y a pas échappé : une grande partie des cadres de l’effectif 2023 ont depuis signé à l’étranger, quittant de facto l’équipe locale et laissant un vide à combler. En l’espace de quelques mois, le Sénégal s’est retrouvé déplumé, privé de ses leaders techniques et de ses repères collectifs.
Un changement de cap brutal : le départ de Pape Thiaw
À cette saignée sportive s’ajoute un bouleversement sur le banc. Pape Thiaw, promu à la tête d’une sélection A renforcée en remplacement d’Aliou Cissé (actuel sélectionneur de la Libye), a logiquement laissé son poste de sélectionneur de l’équipe locale. Sous sa direction, le Sénégal avait retrouvé une identité forte, ancrée dans un style de jeu réaliste mais ambitieux, et une gestion humaine saluée par les joueurs comme les observateurs. Un travail qu’il a hérité à la dernière minute, suite au décès de son mentor, Joseph Koto dont il était l’assistant.
Son départ a ouvert la voie à un nouveau cycle, incarné par Dr. Souleymane Diallo. Un technicien respecté dans le milieu du football sénégalais, mais encore peu rodé à la gestion d’une équipe nationale en reconstruction. Et ses premiers pas sont loin de faire l’unanimité.
Une première liste sous le feu des critiques
La première liste de joueurs convoqués par Dr. Diallo a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Le meilleur buteur actuel de la Ligue 1 sénégalaise (Papa Doudou Diallo), dont les performances impressionnaient semaine après semaine, a été écarté sans explication convaincante. D’autres éléments clés du championnat dont le meilleur jeune joueur de la Ligue 1 (Djiby Ndoye) ou Abdoulaye Agne Ba de Génération Foot (en partance pour le FC Metz) ou encore l’excellent capitaine de l’US Gorée Mame Ousmane Niang et ses nombreuses passes décisives, qui ont régulièrement brillé lors de la défunte saison, ont également été ignorés au profit de joueurs jugés moins performants ou inexpérimentés.
Les réactions ne se sont pas fait attendre : consultants, journalistes, et supporters pointent du doigt des choix peu lisibles, où la forme du moment semble avoir été éclipsée par des considérations tactiques ou relationnelles mal comprises. Dans un contexte de renouvellement, beaucoup espéraient voir émerger une sélection basée sur le mérite pur, symbole d’une nouvelle dynamique. Au contraire, le scepticisme grandit autour de cette équipe jugée encore trop « verte » pour affronter la pression d’un tournoi continental.
Le chantier de Souleymane Diallo : entre prudence et audace
Il serait cependant prématuré de condamner l’approche du nouveau sélectionneur. Dr. Diallo semble miser sur un groupe jeune, malléable, capable d’assimiler ses principes de jeu sur le long terme. Le défi est immense : reconstituer une ossature compétitive en quelques mois, instaurer un style de jeu clair, et souder une équipe encore sans repères internationaux.
Le choix de profils « en devenir » peut s’inscrire dans une logique de projection à moyen terme. Mais cela suppose un travail tactique rigoureux, une gestion mentale fine, et surtout, des résultats rapides pour éviter de nourrir davantage la défiance.
Le Sénégal, outsider malgré lui ?
Le Sénégal se présente à cette gran-messe des footballeurs locaux du continent dans la peau d’un champion en pleine mue. Fort de son passé récent mais fragile dans son présent, le groupe devra composer avec une pression difficile à porter pour des joueurs novices. L’absence de locomotives expérimentées, les choix contestés du staff, et le manque de vécu collectif laissent entrevoir un tournoi compliqué.
Mais si l’histoire du football africain nous a appris quelque chose, c’est que les surprises sont toujours possibles. Une génération peut éclore là où on l’attend le moins. Reste à savoir si cette version 2025 des Lions locaux saura écrire sa propre page, ou si elle s’effacera dans l’ombre de ses glorieux aînés.
La défaite (2-1) en match amical préparatoire de la compétition contre l’Ouganda a laissé transparaitre quelques faiblesses sur le plan tactique et physique. Un nouveau visage qui fait peur du coté des observateurs, qui semblent réconforter leurs doutes sur la formation du jeune sélectionneur des Lions A’.
Les Lions ne sont peut-être pas favoris à leur propre succession, au vu de leur effectif actuel, mais dans l’adversité, une nouvelle force peut émerger. Le chantier est ouvert. À Dr. Souleymane Diallo et ses hommes de démontrer qu’une transition peut aussi être un tremplin.