Dans un contexte où le transfert avorté de Nicolas Jackson vers le Bayern Munich continue d’alimenter les débats, footsenegal.com est allé à la rencontre de son consultant, Chérif Sadio pour mieux comprendre les enjeux de ce dossier qui défraie la chronique.
Le manager sénégalais, ex-directeur du Casa Sports, connu pour son expertise hybride dans les négociations et sa compréhension profonde de l’écosystème du haut niveau nous a expliqué les détails de ce scénario tumultueux avec beaucoup plus de précisons.
Beaucoup de réactions circulent autour de Nicolas Jackson. Quelle est votre lecture de la situation ?
Ce qui s’est passé avec Nicolas Jackson est un cas très triste, et je ne le souhaite à personne. Malheureusement, certains se sont permis de s’en réjouir, en allant jusqu’à le taxer d’indiscipliné. Or, dans le fond, il n’a rien demandé. Il a été poussé vers la sortie comme un malpropre. Très peu de footballeurs ont connu ce genre de situation et sont revenus à leur meilleur niveau. C’est pourquoi son entourage doit l’assister de la manière la plus stratégique possible, notamment en termes d’organisation, de psychologie et de gestion des émotions, pour éviter qu’il ne devienne encore plus vulnérable.
Sur le plan réglementaire, beaucoup pensent qu’il était déjà joueur du Bayern. Qu’en est-il réellement ?
C’est une confusion fréquente. Ce n’est pas parce qu’un joueur est annoncé dans un nouveau club, et qu’il se déplace même dans son probable club de destination avec l’accord de son club d’origine, qu’il est officiellement transféré. Le football obéit à des paramètres très précis : la visite médicale est obligatoire et elle précède juridiquement l’officialisation finale du transfert.
Dans ce cas, l’employeur de Jackson reste Chelsea. Même en cas de prêt, il demeure salarié du club londonien. Le Bayern Munich souhaitait l’accueillir en prêt, mais tant que la visite médicale n’est pas validée et que les trois parties (Chelsea, le Bayern et le joueur) n’ont pas finalisé l’accord, le transfert n’existe pas juridiquement. Les textes sont clairs : sans visite médicale réussie, aucune officialisation n’est possible auprès des instances nationales ni auprès de la FIFA via la plateforme TMS.
Chelsea a donc eu raison de bloquer le départ au dernier moment ?
Juridiquement, oui. Dès que Chelsea a constaté la blessure de Liam Delap et son besoin urgent d’un attaquant, le club était dans son droit de suspendre le prêt. Jackson restait sous contrat avec Chelsea, puisque son transfert n’avait pas encore été validé. Sur le plan légal, les dirigeants londoniens n’ont malheureusement enfreint aucune règle. C’est triste, mais c’est aussi la réalité. Il faut amener le Bayern Munich a négocier un transfert définitif si le joueur les intéresse vraiment parce que la situation est encore plus complexe.
Cette affaire n’a-t-elle pas révélé aussi un manque de considération envers les joueurs africains ?
Exactement. Ce dossier met en lumière un problème plus global : la manière dont certains clubs européens gèrent les joueurs africains. On a parfois l’impression qu’ils sont considérés comme des variables d’ajustement, qu’on peut faire et défaire à la dernière minute, sans tenir compte de leur équilibre psychologique. Pourtant, un joueur reste un être humain, pas une marchandise. C’est la partie très ingrate du football de haut niveau.
On a également beaucoup parlé de la communication de son conseiller, Diomansy Kamara. Quel regard portez-vous là-dessus ?
Je comprends que Diomansy veuille protéger son joueur. C’est légitime, surtout face à la maladresse de Chelsea dans la gestion de ce dossier. Je le soutiens à fond. Mais le fait de réagir sur les réseaux sociaux en répondant à des influenceurs qui ne connaissent pas les rouages des transferts pose problème. Par exemple, quand il affirmait que “l’avion ne fait pas demi-tour”, les faits lui ont donné tort quelques heures après. Ce genre d’exposition n’apporte pas la sécurité émotionnelle dont Jackson a besoin. Il doit être entouré de sérénité, pas d’agitation ni d’euphorie. Il doit rester plus professionnel qu’il ne l’était en tant que footballeur.
Comment cette situation peut-elle impacter la suite de sa carrière ?
Psychologiquement, c’est très lourd. Jackson n’était pas préparé à vivre quatre mois aussi intenses, avec en plus trois dernières semaines marquées par de multiples rebondissements. Ce genre d’épisodes peut laisser des traces. Mais en même temps, cela peut aussi être un déclic : certains joueurs se sont forgés un mental de fer dans la douleur. À lui et à son entourage de transformer cette épreuve en énergie positive.
Que doit faire son entourage à court terme pour l’aider ?
Ses agents et conseillers ont de l’expérience et je pense qu’ils peuvent continuer à négocier le prêt ou à amener le Bayern Munich à négocier un transfert définitif pour mieux faciliter la situation. Reste à voir si le club allemand est prêt à faire ce sacrifice, mais ils doivent absolument l’accompagner avec l’appui de spécialistes, pour l’aider à comprendre que c’est la réalité du haut niveau : tout peut basculer à tout moment. Il a besoin d’un environnement calme, d’un suivi psychologique, et de se concentrer uniquement sur le terrain. Jackson doit se sentir soutenu, pas jugé, surtout du coté de son entraineur, des dirigeants, des supporters et de ses coéquipiers.
Vous parlez de haut niveau. Que doit-il comprendre du “système” dans lequel il évolue ?
Qu’au très haut niveau, les carrières ne tiennent parfois qu’à un détail. Aujourd’hui, tu peux être annoncé au Bayern Munich, et demain, tu dois rejouer avec Chelsea sous pression. C’est un monde sans pitié, mais ceux qui réussissent sont ceux qui acceptent cette réalité et continuent de travailler.
Croyez-vous en sa capacité à rebondir ?
Absolument. Nicolas Jackson est un guerrier. Malgré toutes les critiques, il a toujours montré de la combativité : il marque, il fait des passes, il se dépense physiquement pour son équipe. Il a du talent, mais surtout, il a cette force intérieure qui peut lui permettre de surmonter cette épreuve. Je pense sincèrement qu’il va s’en sortir.
