Il y a 18 ans jour pour jour, le Sénégal prenait le dessus sur la France en ouverture de la Coupe du Monde (2002) au Séoul World Stadium. Un souvenir à jamais gravé dans la mémoire collective des sénégalais et des français.
Arrivé en 2003 en équipe nationale du Sénégal, Ibrahima Sonko a évoqué lors d’une interview (sur Instagram) qu’il nous a accordée au début du confinement, la question de la génération du développement du football sénégalais.
L’ancien international nous a rappelé que ses aînés avaient faim de prouver qu’ils étaient bons en étant pas connus avant le début du Mondial. Et selon lui, ce facteur a été déterminant pour eux. « Certes, la génération actuelle n’est pas celle de 2002, mais les joueurs sont bons à l’heure manière. Je dirai qu’ils ont plus de notoriété que ceux de la génération 2002 qui n’étaient pas connus avant le Mondial. Eux, c’est pendant la compétition qu’ils avaient montré à tout le monde qu’ils étaient grands et qu’ils pouvaient bousculer n’importe qui. », nous a fait savoir Sonko.
Les joueurs de l’équipe nationale actuelle sont déjà perçus comme de « grands joueurs » avant d’arriver en sélection. Et cela déjoue beaucoup parce qu’ils sont très attendus.», nous dit Sonko qui pense que ce statut n’a pas joué à la faveur de ses jeunes frères. Il regrette tout de même le parcours de la bande à Sadio Mané en Russie. « La dernière Coupe du Monde (Ndlr : Russie 2018) a été une déception. On a fait des erreurs de gamin. Face au Japon, on ne devait pas laisser le match nous filer entre les mains. Contre la Colombie encore une fois avec l’attitude de certains joueurs sur le but pris sur corner, on se demandait même où est-ce qu’on était en ce moment-là ?
On aurait perdu le math d’entrée contre la Colombie, on aurait peut-être plus de force pour gagner les deux autres rencontres qui nous restaient. On s’est peut-être dit que le plus dur a été fait en battant la Pologne qui jouait presque à domicile. Sachant comment était constituée l’équipe de la Pologne, c’était un exploit. Et pour faire des exploits, on a parfois tendance à y arriver. Mais quand il s’agit de résister à la supériorité, on a du mal et on doit réparer cela. On a du mal à faire les choses comme on devrait au moment crucial. », martelait l’ancien défenseur de Reading.
La force de 2002 n’est pas celle d’aujourd’hui. Elle (la génération 2002) avait la force de se faire dominer pour s’en sortir victorieux après. C’est mon opinion. », argument-il. Ça sera une grosse déception si la génération actuelle ne gagne pas une Coupe. L’équipe est là et les joueurs sont bons. Il faut continuer le travail et aller chercher le trophée la prochaine fois. », conclu-t-il à ce propos.
Formateur, Sonko est aussi fan du travail effectué dans les sélections de jeunes de son pays. Pour lui, il y a chez les juniors l’homme qu’il faut. Je suis content et fier du travail de Youssouph Dabo avec les U20. Il est très bon, le coach. Quand ils jouent, on voit la discipline tactique et technique. On aurait eu un centre comme Clairefontaine en France, on les laisse avec quelqu’un comme Dabo, on aura la meilleure sélection des deux prochaines années et ça sera une menace au niveau mondial pour les dix prochaines années. », suggère-t-il.
« Il faut aller prendre à Diambars, à Génération, à Darou Salam etc., les meilleurs pour en faire une équipe qu’on laissera avec une personne comme Dabo. Les gamins deviendront les meilleurs de la prochaine décennie, c’est sûr. », nous apprend-il.
Devenu agent de joueur, Ibou est souvent aperçu dans les gradins pendant les matchs de Ligue 1 et de Ligue 2. Pour lui, il y a beaucoup de choses qui font que le championnat du Sénégal soit difficile. « On devrait être mieux organisés », dit-il. Notre championnat doit refléter ce que nos internationaux montrent en dehors de nos frontières. Tout se passe bien dans les petites catégories, mais cela ne se reflète pas au niveau local», regrette Sonko.
Le Sénégal est actuellement la meilleure représentation de l’Afrique. Même l’Algérie qui nous a battu en finale de la dernière Coupe d’Afrique ne passe pas devant nous en terme de représentation. Il y a quelques années, on parlait des Samuel Eto’o, Didier Drogba, Michael Essien comme étant les meilleurs en Afrique, mais ce sont les Sadio Mané, Idrissa Gana Gueye, Kalidou Koulibaly qui sont devant. On ne peut pas que se baser sur les centres de formations qu’on a actuellement dans le pays pour assurer la succession des générations. Il faut les multiplier mais avec un championnat attractif On devait en avoir un peu plus.», réclame l’ancien vert.
L’élite du football sénégalais ne doit pas se baser ou se reposer sur ces centres uniquement. En France, il y a Clairefontaine comme il y a d’autres académies bien structurées en Espagne etc. Je suis désolé de le dire, mais le Sénégal n’est pas pauvre en football. Quand on joue une Coupe du Monde, on reçoit de l’argent (Ndlr : Pize money) à chaque fois qu’on franchit un cap.
On ne peut donc pas jouer le Mondial puis une finale de Coupe d’Afrique et dire qu’on a pas d’argent pour le championnat. Il faut être plus organisés et plus professionnels. On ne fait pas beaucoup d’efforts comme en Afrique du Sud, en Côte d’Ivoire, au Congo, où les championnats sont bien faits avec un financement qui est saine. On est la meilleure nation africaine après tout. Notre championnat doit refléter ce que nos joueurs montrent à l’extérieur.
L’on se demande quelle réforme serait bonne pour le championnat sénégalais ? Il faut créer un championnat d’élite en Ligue 1 et en Ligue 2. Si une équipe en Ligue 1 descend en Ligue 2, sa petite catégorie descend aussi en division inférieure. Cela va permettre aux clubs d’avoir des jeunes qui auront de la compétition dans les jambes et qui pourront être prêts à jouer dans l’élite comme cela se fait en Espagne et ailleurs.
Si j’avais à apporter une réforme, c’est ce que j’apporterais au Sénégal. Je trouve anormal que des centres de formations soient installés dans notre pays et qu’ils ne s’affilient pas à la fédération (Ndlr : ASPIRE ACADEMY par exemple). C’est à l’Etat de prendre en charge ses responsabilités et de demander à tous les centres de s’affilier à défaut de ne pas officier dans le pays parce que le Sénégal a besoin que ces joueurs participent au projet de rendre attractif son championnat. », résume-t-il sur ce plan.
Il y a de très bons entraîneurs dans le championnat sénégalais comme Pape Thiaw qui est un ancien international. J’en profite pour appeler les anciens internationaux notamment ceux de la génération 2002 à descendre sur le terrain pour coacher les gamins. Qu’ils aillent proposer leurs services aux équipes de notre championnat local.
Même s’ils ne peuvent pas se faire payer des millions, mais qu’ils y aillent parce qu’ils ont acquis de l’expérience dans le haut niveau et ils doivent les partager avec les gamins et leurs coaches. Même s’ils n’y vont pas tous les jours, mais qu’ils y aillent deux fois par semaine. Pape Thiaw est en train de faire du bon travail à Niarry Tally et c’est à encourager.
Les anciens internationaux, notamment ceux de 2002 pour avoir marqué l’histoire du football sénégalais, doivent épauler les entraîneurs locaux et discuter avec eux par rapport à leurs expériences, afin que les jeunes puissent en profiter.», insiste Ibou Sonko.