Sommes-nous face à un choc de visions entre les programmes des deux camps opposés lors de la dernière élection à la FSF et à la LSFP ? À l’heure actuelle, une cohabitation stratégique s’impose à la tête du football sénégalais : Babacar Ndiaye et le camp d’Abdoulaye Fall sont désormais appelés à placer l’intérêt national au-dessus des clivages. L’on s’interroge alors : comment ces deux grandes figures du football local peuvent-elles gérer, ensemble, l’écosystème du football national ?
L’élection d’Abdoulaye Fall à la présidence de la Fédération Sénégalaise de Football (FSF), face à Mady Touré, candidat soutenu par Babacar Ndiaye, a redessiné les équilibres de pouvoir au sein des instances dirigeantes du football sénégalais. Malgré la défaite de son poulain, Babacar Ndiaye demeure une figure incontournable : élu à la tête de la Ligue Sénégalaise de Football Professionnel (LSFP), il occupe également le poste stratégique de premier vice-président de la FSF. Ce contexte inédit impose une cohabitation de programmes et de visions qui pourrait apparaître délicate, mais qui, bien conduite, pourrait devenir un catalyseur pour la transformation du football local.
L’union dans la diversité : un impératif stratégique
Le football sénégalais, à l’image de nombreuses fédérations africaines, est traversé par des dynamiques de pouvoir complexes, souvent polarisées par des camps et des affinités personnelles. Mais au-delà des rivalités électorales, le véritable défi réside dans la capacité des acteurs à transcender les appartenances pour servir un projet commun : l’industrialisation du football local.
Abdoulaye Fall et son équipe détiennent aujourd’hui la majorité au comité exécutif, mais le rôle institutionnel de Babacar Ndiaye à la tête de la Ligue Pro demeure central. Cette double gouvernance exige un dialogue mature, structuré, et orienté vers l’intérêt général. Car, ni la FSF ni la LSFP ne peuvent, à elles seules, impulser un modèle économique viable pour le football sénégalais. Le succès passera par la convergence des visions et des actions.
Des chantiers communs pour une vision partagée
Le football professionnel sénégalais est encore en construction. Le chemin vers un modèle économique durable est semé d’obstacles : infrastructures insuffisantes, faible rentabilité des clubs, déficit de formation managériale, et dépendance aux financements publics. Dans ce contexte, les deux institutions doivent s’accorder sur des chantiers stratégiques prioritaires :
Professionnalisation des clubs : mise en place de normes financières, juridiques et sportives claires, avec un accompagnement managérial des dirigeants de clubs.
Gouvernance partagée et transparente : adoption d’un cadre de collaboration régulier entre la FSF et la LSFP, avec des objectifs concertés à moyen et long terme.
Développement des infrastructures : mutualisation des moyens pour bâtir ou réhabiliter des stades régionaux aux normes CAF/FIFA, avec un accent sur l’entretien et la viabilité.
Création d’un fonds d’investissement local : mobilisation de partenaires privés et publics pour soutenir le développement des académies, la numérisation du football, et la diffusion télévisée des compétitions locales.
Communication et marketing : redéfinir l’image du football local par une stratégie média cohérente, incluant la valorisation des talents, la commercialisation des droits TV et la modernisation des compétitions.
Babacar Ndiaye, entre autonomie et responsabilité partagée
En tant que président de la LSFP, Babacar Ndiaye dispose d’une certaine autonomie pour structurer la ligue professionnelle. L’intention de nommer un directeur général, illustre sa volonté d’outiller l’organisation. Toutefois, ce choix, s’il n’est pas suffisamment concerté, pourrait raviver les tensions avec le camp majoritaire de la FSF. Or, dans une configuration aussi sensible, la légitimité ne suffit plus : il faut de la méthode et de la pédagogie politique.
Une gouvernance gagnante consisterait à élargir le cercle de décision, à intégrer les sensibilités du comité exécutif, et à inscrire chaque décision dans un schéma de collaboration stratégique entre la FSF et la LSFP. C’est cette approche, inclusive et apaisée, qui renforcera la crédibilité du leadership de Ndiaye.
Promouvoir l’intérêt national avant tout
La vérité est simple : les rivalités entre institutions fragilisent les efforts de professionnalisation du football sénégalais. Les clubs, les jeunes joueurs, les entraîneurs et le public aspirent à un système cohérent, compétitif et rentable. Pour cela, la priorité absolue est de sortir de la logique des camps pour adopter celle des résultats tangibles.
L’expérience montre que les grandes nations de football ont industrialisé leur sport en instaurant des relations saines entre fédération et ligue, en définissant des projets conjoints, et en évitant que les intérêts personnels priment sur les impératifs structurels. Le Sénégal, fort de ses talents et de ses ambitions continentales, peut et doit s’inscrire dans cette dynamique.
Bâtir ensemble, durablement
La cohabitation entre Babacar Ndiaye et le camp d’Abdoulaye Fall est une opportunité stratégique plus qu’un risque politique. Elle doit servir de tremplin vers une gouvernance intelligente, collaborative et tournée vers l’avenir. Le football sénégalais mérite mieux que des querelles de leadership : il a besoin de bâtisseurs. Le moment est venu pour tous les acteurs de poser les fondations d’un football professionnel, autosuffisant, moderne et respecté, non seulement en Afrique, mais dans le monde.